Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour le gouvernement tout entier, une base plus large, des délibérations plus complètes, une source plus féconde de lumières, enfin une garantie précieuse contre les entraînemens auxquels une assemblée unique est exposée. »


Est-il admissible que le gouvernement de M. Thiers et son éloquent interprète, en attribuant à la seconde chambre un rôle aussi fécond et aussi utile, entendissent néanmoins exclure de son contrôle la législation financière? Comment auraient-ils négligé de mentionner une exception aussi considérable?

Le projet de loi fut voté par l’assemblée nationale le 13 mars 1873. Une de ses dispositions confiait au gouvernement lui-même la tâche de préparer et de soumettre à l’assemblée l’organisation provisoire dont les bases seulement étaient indiquées dans la loi. Conformément à cette disposition, M. Dufaure déposa au nom du gouvernement, dans la séance du 15 mai 1873, un projet de constitution dont le second chapitre, intitulé : Attributions des pouvoirs publics, contenait les dispositions suivantes :


« Article 11. L’initiative des lois appartient aux deux chambres et au président de la république. Les deux chambres concourent également à la confection des lois. Toutefois les lois d’impôt sont soumises d’abord à la chambre des représentans.

Si la priorité attribuée à la chambre des représentans entraînait dans l’esprit du gouvernement une dérogation nécessaire à l’égalité qu’il stipulait entre les deux chambres, l’exposé des motifs ne pouvait manquer d’en faire mention. Cela était d’autant plus indispensable que cette inégalité de pouvoir entre les deux chambres eût été une innovation sur les chartes de 1814 et de 1830 et une dérogation aux intentions incontestables de la commission qui avait rédigé la loi du 13 mars 1873. Interrogeons donc cet exposé de motifs contre-signé par M. Dufaure, mais présenté au nom de M. Thiers, et à la rédaction duquel l’illustre homme d’état n’est assurément pas demeuré étranger. Cet exposé de motifs débute par affirmer de nouveau la conformité des vues entre le gouvernement et les auteurs de la loi du 13 mars 1873. Il justifie ensuite la création du sénat par des raisons politiques dont la conséquence inéluctable est une égalité absolue de pouvoir et d’attributions entre les deux chambres, car, sans cette égalité, il serait impossible au sénat de remplir la mission qui lui est assignée. On ne saurait prétendre en effet que les entraînemens législatifs contre lesquels on veut prendre des garanties, ne se traduiront jamais par un vote regrettable en matière de finances ou de budget : l’infaillibilité financière qu’on attribuerait ainsi aux assemblées délibérantes rencontrerait