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Le lieutenant de vaisseau, chef de quart, n’a plus alors ces occasions que lui offraient les longues croisières d’autrefois pour former son coup d’œil, son jugement, sa décision; la plus grande partie de son temps d’escadre se passe à monter la garde en rade. Il y a là une lacune qu’il est de la plus haute importance de combler. Tant que l’Europe restera dans l’état de paix profonde, mais précaire, que nous traversons aujourd’hui, nous ne pouvons cesser d’entretenir notre escadre cuirassée. C’est la seule garantie de sécurité de nos frontières maritimes; mais nous pourrions très bien former à côté d’elle une escadre légère, composée d’au moins six navires capables de naviguer de conserve à la voile, et à laquelle nous ferions parcourir toutes les mers du globe. Ce serait l’école des lieutenans de vaisseau, et le résultat à atteindre vaudrait bien la dépense. Ajoutons que cette institution navale existe depuis longtemps en Angleterre. Aux bons résultats qu’elle donne au point de vue du personnel se joint l’avantage d’avoir une force considérable essentiellement mobile et que le télégraphe peut saisir à toute heure, n’importe où, pour la diriger sur tel point où un intérêt national réclamerait sa présence. Nous mettons la création de cette escadre au premier rang dans l’augmentation d’armemens que nous croyons indispensable.


III.

Revenons maintenant aux économies budgétaires des années 1872 et suivantes. Nous avons montré les conséquences de la réduction des armemens sur notre organisation navale. Passons aux arsenaux. L’allocation budgétaire servait à entretenir : Cherbourg, Brest, Lorient, Rochefort, Toulon, plus quatre établissemens moins importans : Indret, la Chaussade, Nevers, Ruelle. En tout, elle alimentait une usine créatrice divisée en neuf succursales. Chacune de ces succursales avait, comme toute usine, trois branches de dépenses distinctes : les frais généraux administratifs, les ouvriers ou main-d’œuvre, les matières à transformer ou approvisionnemens. Obligés de réduire d’une somme considérable le budget de l’usine, allions-nous procéder comme pour les armemens? sur neuf succursales en fermer deux ou trois, faisant porter du même coup les réductions par proportions égales sur les trois branches de dépenses : les frais généraux, la main-d’œuvre, les approvisionnemens?

C’eût été à la fois sage, hardi et fécond pour l’avenir; le travail producteur eût été restreint, mais non ralenti. On eût profité de la pression du moment pour le concentrer, pour lui imprimer par là une rapidité qui eût été un accroissement de force, et pour le débarrasser de charges administratives écrasantes. Un manufacturier eût certainement agi ainsi. Les Anglais, avec leur esprit pratique,