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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/334

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la discrétion duquel les deux anciens amoureux confiaient leurs muettes effusions. Pourtant, au dessert, Tristan, d’une voix mal assurée, a demandé à sa voisine si elle se souvenait encore de la chanson du Jardinier.

— Certainement, et je la chante parfois pour endormir les enfans.

— Voudriez-vous nous la chanter ce soir, avant que nous prenions congé de vous?

Elle a rougi légèrement, puis. ayant d’un regard rapide sollicité et obtenu le consentement du mari, elle a commencé la chanson qui avait fait passer tant de nuits blanches à Tristan.

C’est, comme celui-ci me l’avait dit, l’histoire d’un jardinier galant et volage, qui a encouru la disgrâce de son amoureuse, une vraie fille d’Eve, qui, lasse de bouder, rappelle bien vite l’inconstant :

Reviens demain, reviens ce soir,
Mon bel ami !
Oui, je le jure, je veux t’attendre
Toute la nuit.

Le galant n’a pas manqué l’heure
Que sa maîtresse lui avait dit,
Et à la porte il a frappé
Trois petits coups :
— Hé! dormez-vous, sommeillez-vous,
Mon cœur joyeux?
A votre porte est arrivé
Votre amoureux.

— Non, je ne dors ni ne sommeille,
Toute la nuit je pense à vous.
Parlez tout bas, marchez tout doux.
Mon bel ami.
Car si mon père vous entend,
Morte je suis...

Ils ne furent pas le quart d’une heure ensemble
Que le coq a chanté minuit.
— Oh ! je voudrais, oh ! je voudrais
Pour cent louis.
Que le coq qui chante minuit
Soit bien rôti !

Ils ne furent pas le quart d’une heure ensemble
Que l’alouette chanta le jour.
— Belle alouette, belle alouette
Tu as menti!
Tu as chanté la pointe du jour,
Il n’est que minuit...

Puis, sur ce cri passionné, qui ressemble en effet à l’exclamation