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On émet pour cela du papier-monnaie ; puis, quand ce papier est bien accepté et qu’il représente une valeur sérieuse, l’état s’en sert pour ses propres dépenses : il l’émet lui-même sous sa responsabilité directe, ou bien il l’emprunte aux banques qui sont chargées de l’émission. Aux États-Unis, on a employé les deux moyens; le gouvernement en a émis lui-même et a emprunté celui que les banques dites nationales étaient autorisées à créer. Il l’a emprunté en obligeant ces établissemens à déposer entre ses mains le capital qui devait être la garantie de leurs billets. En Italie, en Autriche, il y a eu également un système mixte d’émission par l’état et par les banques. En Russie, tout le papier en circulation émane directement du gouvernement. Il n’y a guère que la France parmi les pays à cours forcé où l’état se soit abstenu d’en émettre directement. Il est vrai qu’il l’a fait émettre par une banque privilégiée placée sous sa surveillance, il est vrai encore que la plus grande partie des billets a servi à ses propres besoins : c’est une dette qu’il a contractée vis-à-vis de la Banque de France ; mais lorsqu’il l’aura remboursée, il n’aura plus rien à démêler avec le papier-monnaie, s’il en reste encore en circulation. Il n’en répondra en aucune façon. Déjà cette dette n’est plus que de 450 millions sur les 2 milliards 1/2 de papier qui circulent encore. Cette situation particulière de la France a tenu d’abord à la faveur exceptionnelle dont jouit notre principal établissement financier, et aussi à la grande richesse du pays, qui sert de base après tout au papier-monnaie.

Quoi qu’il en soit, qu’on ait employé un moyen ou un autre pour répandre les billets à cours forcé, il n’en est pas moins vrai que les états qui y ont eu recours ont puisé là des ressources extraordinaires qui leur ont permis de traverser plus ou moins heureusement les crises par lesquelles ils ont passé, et on se demande comment ils auraient fait sans cela. Prenons un exemple : supposons que le gouvernement italien ait songé en 1866 à soutenir la guerre contre l’Autriche avec des emprunts ordinaires; d’abord il n’est pas sûr qu’il eût pu les réaliser, et si on lui avait prêté, on ne l’aurait fait qu’à des conditions très onéreuses, qui auraient pesé longtemps sur son crédit. La rente italienne 5 pour 100 était alors à 36 francs.

Il résulte d’un rapport que le gouvernement de ce pays vient de publier sur l’expérience du cours forcé, qu’il s’est procuré à l’aide du papier-monnaie 907 millions de ressources extraordinaires. Pour avoir la même somme avec des emprunts, et en admettant qu’il eût pu les contracter à des conditions relativement favorables, c’est-à-dire à un intérêt de 6 pour 100, il lui en aurait coûté 1,176 millions : différence, 270 millions. Sans doute, tout n’a pas été profit dans cette différence; il y a un autre côté de la question à envisager et que nous examinerons tout à l’heure. En attendant,