il est certain au moins que l’Italie s’est procuré plus aisément et à meilleur marché avec le papier-monnaie les ressources exceptionnelles dont elle avait besoin. C’est un point qui ne peut être contesté par personne. D’après le même rapport, si on avait eu recours à des emprunts, le déficit actuel du budget, au lieu de se trouver réduit à 50 millions, serait encore de plus de 150. On peut faire le même raisonnement en ce qui concerne la Russie et l’Autriche. Jamais ces états n’auraient subvenu aux dépenses excessives que leur a causées la guerre sans le papier-monnaie.
Ce papier n’a pas été moins utile aux États-Unis au milieu de leurs immenses besoins pendant la guerre de sécession. Ils se sont procuré de cette façon environ 2 milliards et demi qui ont compté à leur passif pour plus de 4 milliards, à cause de la dépréciation considérable qui atteignit dès les premiers jours le papier-monnaie, et qui s’éleva jusqu’à 150 pour 100, c’est-à-dire qu’il fallait donner 250 francs en green-backs pour obtenir 100 francs en numéraire. On aurait pu croire qu’on allait revoir les temps néfastes du système de Law, et des assignats de notre première révolution; que jamais les États-Unis ne pourraient rembourser leur papier. Il n’en fut rien : aussitôt la paix conclue, il se manifesta dans le pays une telle résolution de rester fidèle à tous les engagemens, que l’agio descendit bien vite à 50 pour 100 pour se réduire successivement à 12 ou 15 pour 100 où il est aujourd’hui.
Enfin en France, où la situation était tout autre que dans les pays que nous venons d’indiquer, où il y avait de grandes réserves accumulées depuis longtemps, et particulièrement en numéraire, le papier-monnaie émis en 1870 a rendu aussi de grands services, non-seulement pour remplacer les espèces métalliques qui tout à coup ont fait défaut, mais pour fournir aux dépenses de l’état. On peut se rappeler qu’un premier emprunt de 800 millions contracté au moment de la guerre avait été souscrit tout juste, et il fut vite épuisé. Comment aurait-on pu se procurer d’autres ressources après nos désastres? C’eût été fort difficile si on avait dû recourir à de nouveaux emprunts; on aurait vu le crédit de la France, naguère si élevé et si brillant, tomber à des taux désastreux. Au lieu de cela, on s’est adressé à la Banque de France ; on lui a donné le cours forcé, et on lui a emprunté aisément 1,400 millions, sans que la valeur des billets descendit au-dessous du pair. Jamais phénomène semblable ne s’était accompli dans le monde financier. Si toutes les forces mises alors en mouvement s’étaient comportées comme notre crédit, les résultats de la guerre eussent été tout autres qu’ils n’ont été. La Banque de France a sauvé notre pays financièrement.
Le papier-monnaie est donc en train de se réhabiliter de la mauvaise réputation qu’il avait jusqu’à ce moment, et si on peut toujours