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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/352

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que la situation sera encore aussi favorable dans un an ou deux, et que les billets seront toujours au pair; — ils n’y seraient certainement pas s’il y avait une crise? alors que ferait le gouvernement? Seulement, je le répète, pour reprendre les paiemens, il faut que la question de l’étalon unique soit résolue, et que nous n’ayons plus que l’or comme monnaie principale.

En résumé, l’expérience que nous avons sous les yeux depuis un certain nombre d’années ne peut pas changer l’opinion qui règne chez les esprits sérieux au sujet du papier-monnaie. C’est un instrument d’échange très dangereux : il l’est d’abord à l’intérieur, parce qu’étant presque toujours suivi d’une dépréciation, il trouble instantanément toutes les situations. Le créancier perd une partie de sa créance, l’employé et le salarié ne peuvent plus acheter au même prix les choses dont ils ont besoin sans que leur traitement et leur salaire augmentent en proportion. Le fabricant voit les matières premières renchérir et ne vend pas ses produits en conséquence; le commerce extérieur devient plus difficile à cause de l’agio qui existe sur le signe monétaire. Enfin le débiteur lui-même ne gagne pas à pouvoir s’acquitter avec un instrument d’échange qui a moins de valeur, car s’il est débiteur d’un côté il est créancier de l’autre, ne le serait-il, comme l’ouvrier, que du produit de son travail, et, quant à l’état, il paie tout plus cher aussi, sans que; ses revenus s’accroissent, ce qui fait que tout le monde souffre à cette situation.

Ce qu’il y a de grave encore avec le papier-monnaie, c’est qu’on n’a plus de boussole pour se diriger dans la vie commerciale; toutes les affaires sont livrées au hasard de la spéculation et reposent sur le crédit. C’est comme un édifice qu’on bâtit sur un terrain peu solide; il y a toujours un moment où il finit par être renversé. Enfin là même où le papier-monnaie ne produit pas ses effets les plus désastreux, où il reste au pair comme en France, il a encore une influence fâcheuse, qui est d’amener une hausse artificielle des prix. Les espèces métalliques s’amassent improductives dans les caisses du principal établissement financier et n’en sortent plus. L’emprunt contracté à l’intérieur et même au dehors, quand il ne l’est pas à un taux usuraire, vaut mieux que l’émission du papier-monnaie. En effet, supposons un état qui, en émettant ce papier, se procure 1 milliard de ressources extraordinaires et économise ainsi 50 ou 60 millions d’intérêts par an. Si son revenu brut est de 10 milliards, l’économie qu’il a faite en représente la 200e partie, et il ne s’agit pas d’un grand état comme la France et l’Angleterre, dont le revenu est au moins de 20 milliards, et où par conséquent l’économie représenterait un 400e. Il est certain que le