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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/36

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à rendre, il faudra chercher autour de nous des économies à réaliser sur le luxe pour les reporter sur le nécessaire. On trouverait des millions dans le budget actuel, rien qu’en fermant brutalement des portes; mais on en trouverait surtout dans le budget des colonies, sur lequel il y a beaucoup à dire.

Lorsque les grands créateurs de notre marine ont fondé la plupart de nos colonies, en faisant d’elles des annexes de notre organisation navale, ils avaient un but. En même temps qu’ils fondaient au loin des centres de production, ils imposaient aux colons le devoir de n’exporter leurs produits et de ne recevoir les denrées et objets manufacturés dont ils avaient besoin que par des navires français, montés par des équipages français, qui devenaient à la fois la pépinière et la réserve de la marine de guerre. En échange de cette restriction, les populations coloniales étaient défrayées de tout; nous payions leur culte, leur justice, leur administration, leurs médecins, les troupes destinées à les garder, et nous les exemptions de tout impôt, même de l’impôt du sang. Aujourd’hui le contrat est rompu, la navigation réservée est abolie. Le colon importe et exporte sous pavillon étranger. Il ne rend absolument rien à la mère-patrie, car lorsqu’on dit qu’il verse au trésor les droits sur tant de tonnes de sucre qu’il expédie en France, on commet une erreur : c’est le consommateur qui paie ces droits, et ils seraient acquittés, que le sucre vînt de Cuba ou de la Réunion. Malgré cela, nous continuons, comme par le passé, à solder toutes les dépenses des colonies et surtout à leur envoyer à grands frais des troupes, non pas pour les défendre contre un ennemi extérieur, mais pour les préserver contre les chances de désordre intérieur. Cela, joint, au service pénitencier, nous coûte 40 millions. C’est un peu cher.

Il ne peut être question de supprimer d’un trait, de plume toutes les dépenses coloniales. Il faut d’abord distinguer celles relatives aux troupes, auxquelles il serait sage de ne pas toucher. De bonnes troupes, ayant une forte discipline et un vif esprit de corps, ne se font pas en un jour et demandent à être soigneusement conservées. Nous voudrions seulement les retirer des colonies, car les soldats que nous y aurons envoyés se trouveront, si nous ne sommes pas maîtres de la mer, incapables de lutter contre les moyens de guerre actuels, et seront sacrifiés. Alors pourquoi les y envoyer? Pour y faire simplement la police? Mais les colons ne peuvent-ils s’organiser pour la faire eux-mêmes avec des nègres vigoureusement disciplinés, et avons-nous le droit de condamner à aller faire un pareil métier, sous un climat meurtrier, le soldat du service obligatoire qui ne doit être arraché de ses foyers que pour défendre le sol de la patrie? Grave question dont la solution négative, vient s’ajouter