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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/427

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prononcé et s’adressant à celui qui l’aurait recueilli. Le hardi politique était le premier convaincu que la rapidité, la dextérité et la précision pouvaient seules assurer le succès. Avant même que le signal fût donné, il avait tout préparé, — il avait pris pour le moment le ministère de la guerre avec le ministère de la marine et le ministère des affaires étrangères. D’un côté il hâtait la marche vers la frontière de l’armée relativement considérable, et à dessein considérable, qui devait engager la campagne sous le général Fanti et le général Cialdini. D’un autre côté, il écrivait à Persano : « le général Cialdini entrera dans les Marches et se portera rapidement devant Ancône ; mais il ne peut espérer se rendre maître de cette place s’il n’est secondé énergiquement par notre escadre... Dites-moi ce que vous croyez nécessaire pour le succès de cette entreprise, et comment vous entendez la réaliser... » Cette entreprise, savamment préparée, brusquement engagée dès le 11 septembre, elle était accomplie d’une manière foudroyante, en quelques jours, par le concours de l’armée et de la flotte. Aussitôt les protestations éclataient de toutes parts : elles venaient de la Russie, de la Prusse, de la France, qui rappelaient successivement leurs ministres. Cavour marchait escorté de protestations; il les écoutait, il ne s’en troublait pas. Aux admonestations de la Prusse, que lui portait le comte Brassier de Saint-Simon, il répondait : « Je suis fâché que le cabinet de Berlin juge si sévèrement la conduite du roi et de son gouvernement. J’ai la conscience d’agir conformément aux intérêts de mon souverain et de mon pays. Je pourrais répondre avec avantage à tout ce que dit M. de Schleinitz ; mais, de toute façon, je me console en pensant que, dans cette occasion, je donne un exemple que, probablement dans quelque temps, la Prusse sera très heureuse d’imiter. » A la France il ne répondait guère, et ne s’inquiétait pas de l’empressement que le cabinet des Tuileries mettait à se dégager. Il avait deviné ce que la cour de Rome en ce moment même ne voyait pas, ou ce qu’elle affectait de ne pas voir, c’est que la France pourrait protester par le rappel de son ministre, mais qu’elle s’en tiendrait là, que l’empereur se bornerait à couvrir la sûreté du pape et le patrimoine de saint Pierre dans un rayon tout militaire. Il laissait le cardinal Antonelli et la diplomatie française se débattre à Rome pour savoir si l’empereur avait dit qu’il se verrait « forcé de s’opposer à l’agression piémontaise, » ou s’il avait dit qu’il « s’opposerait par la force. » Grave question que Cavour se chargeait de résoudre par ses succès !

Pendant ce temps, en effet, l’armée piémontaise tranchait le nœud. Elle allait rencontrer un moment devant elle, il est vrai, une poignée d’hommes réunis par des convictions désintéressées, conduits