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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/449

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cristallisations qui se déposent sur les parois du ballon. Le sang à l’état normal n’éprouve donc pas de fermentation au contact de l’air pur, quelle que soit la durée de l’expérience. M. Gayon a montré, à son tour, que le blanc de l’œuf et le jaune de l’œuf se conservent aussi sans altération au contact de l’air pur, et il a établi ensuite, par des expériences spéciales, que la putréfaction des œufs est toujours le résultat de la multiplication des fermens organisés, contrairement aux conclusions que M. Donné et d’autres expérimentateurs avaient cru pouvoir tirer d’expériences faites dans des conditions qui laissaient prise à la critique.

Tous ces faits sont manifestement contraires non-seulement à la doctrine des générations spontanées, mais encore à la théorie nouvelle que soutient M. Fremy. A côté des principes immédiats bien définis, tels que l’acide oxalique, l’urée, etc., il y a, dit M. Fremy, des substances très complexes, contenant tous les élémens des tissus organisés : du carbone, de l’hydrogène, de l’oxygène, de l’azote, même du phosphore, du soufre, des sels alcalins; tels sont l’albumine, la fibrine, la caséine, la vitelline, etc. Ce sont les corps hémiorganisés : ils peuvent, comme les graines sèches, se maintenir dans l’état d’immobilité organique, mais ils peuvent aussi en sortir lorsque les circonstances deviennent favorables au développement de la vie. En raison de la force vitale dont ils sont doués, ils éprouvent alors des décompositions successives, donnent naissance à des dérivés nouveaux, s’organisent complètement, et engendrent ainsi des fermens, non par voie de génération spontanée, mais par une sorte de réveil de cette force innée qu’ils possédaient déjà, et qui se manifeste alors par des transformations variées. Ainsi, d’après M. Fremy, c’est le suc même du fruit qui donne naissance aux globules de levure par la transformation de la matière albumineuse, tandis que M. Pasteur ne voit dans la levure qu’un végétal qui se développe là où il a été semé.

Pour mettre la théorie de M. Fremy au pied de mur, comme il le dit, M. Pasteur a imaginé l’experimentum crucis qu’on va voir. Il a pris quarante ballons de verre à deux tubulures et les a remplis de moût de raisin filtré, qu’il a fait bouillir. Ensuite il a lavé dans un peu d’eau la surface des grains et le bois d’une grappe de raisin; examinée sous le microscope, cette eau de lavage se montre remplie de corpuscules organisés qui ressemblent à des spores de mucédinées. Les quarante ballons sont ensuite partagés en quatre groupes : dans les dix premiers, on introduit quelques gouttes de l’eau de lavage brute; dans dix autres, quelques gouttes de la même eau qu’on a préalablement fait bouillir. Dans les dix suivans, on fait pénétrer par aspiration une goutte de jus de raisin prise dans l’intérieur d’un grain entier; pour cela, on effile l’une des tubulures