siècles, avait déjà constaté qu’elle est formée d’un amas de cellules, Cagniard-Latour et Schwann avaient découvert que ces cellules se multiplient par bourgeonnement. On voit d’abord naître sur la cellule-mère une petite bosse qui grossit, grossit, et s’étrangle au point d’attache en prenant une forme sphérique ou ovale, puis la cellule-fille se sépare et commence une vie indépendante. Cette multiplication a lieu à vue d’œil. « Il m’est arrivé quelquefois, dit M. Pasteur, de voir le fond d’un vase se recouvrir d’un dépôt blanc de cellules de levure dans l’intervalle de cinq à six heures seulement, après qu’on eut semé une quantité de levure si petite qu’elle ne modifiait pour ainsi dire pas du tout la transparence du liquide contenu dans le vase après l’agitation de la masse. Cette rapidité de végétation fait souvenir de ces plantes exotiques dont la taille, dit-on, s’accroît de plusieurs coudées dans l’intervalle de vingt-quatre heures. »
Il existe plusieurs sortes de levures alcooliques. Ainsi les levures que les brasseurs emploient pour la fermentation haute et pour la fermentation basse ne sont point identiques. Le moût de raisin donne lieu à plusieurs levures, dont l’une pousse rapidement et abondamment dans le moût de bière, tandis que la levure de bière ne se développe que péniblement dans le moût de raisin. La fermentation secondaire des vins restés doux fournit une autre levure, fort différente d’aspect des levures de la bière, et qui a reçu le nom de saccharomyces pastorianus : c’est une sorte de tige avec rameaux d’articles de distance en distance, lesquels sont terminés par des cellules sphériques ou ovoïdes qui se détachent facilement.
Maintenant d’où viennent ces levures qu’on voit naître spontanément dans les liquides sucrés exposés au contact de l’air? Si, à l’aide d’un pinceau, on lave dans un peu d’eau la surface d’un grain de raisin, cette eau, examinée au microscope, se montre remplie de corpuscules organisés ; on en trouve encore bien plus dans l’eau de lavage du bois de la grappe. Il est facile de suivre le bourgeonnement et la prolifération rapide de ces plantes celluleuses dans du moût de raisin filtré et bouilli. La preuve que parmi ces microphytes se rencontrent les germes des levures de la vendange, c’est que, submergés dans le moût, ils y déterminent aussitôt une énergique fermentation. Ajoutons que, d’après les observations de M. Pasteur, les germes de levure n’apparaissent sur les différentes parties des ceps que vers l’époque de la maturité du raisin, et qu’ils disparaissent pendant l’hiver pour ne se montrer de nouveau qu’à la fin de l’été[1].
- ↑ Une grappe entière d’un raisin noir nouveau, très mûr, acheté au mois d’avril et qui avait poussé en serre, ne fermenta pas du tout après qu’on l’eut écrasée.