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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/459

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qu’en fournissant le moyen d’obtenir une bière d’une conservation facile, une bière à peu près inaltérable, — résultat dont la portée industrielle saute aux yeux.

On sait que les recherches antérieures de l’illustre chimiste sur les maladies des vins l’avaient conduit, il y a dix ans, à un procédé de conservation du vin en fûts ou en bouteilles, qui aujourd’hui a fait ses preuves. Pour rendre le vin en bouteilles inaltérable, il suffit de le porter pendant quelques instans, au bain-marie, à une température de 50 ou 60 degrés. On peut aussi le chauffer dans des appareils spéciaux et le transvaser dans les tonneaux à l’abri de l’air. La chaleur ayant tué les fermens de maladie qu’il contenait, et l’air ne pouvant en introduire d’autres, le vin n’a plus à craindre les altérations qui causent tant de pertes au commerce. L’application des préceptes de M. Pasteur a permis d’exporter des vins qui autrefois ne sortaient guère du pays. On s’est bientôt demandé si ce qui avait réussi pour le vin ne pourrait pas se faire aussi pour la bière, et on a tenté d’appliquer directement le même procédé à la conservation de cette boisson en chauffant les bouteilles à environ 55 degrés : cela s’appelle, en Allemagne, pasteuriser la bière. Malheureusement il paraît que la chaleur, tout en garantissant la bière des diverses maladies qu’elle pourrait contracter, nuit à la finesse du goût, du moins quand la bière a été fabriquée par les procédés aujourd’hui en usage. Il a donc fallu chercher la solution du problème dans une autre voie, et M. Pasteur pense y être parvenu.

En effet, il est désormais démontré que toutes les altérations qui peuvent se produire dans la levure, dans le moût de bière ou dans la bière elle-même sont dues à des fermens parasites dont les germes se trouvent mêlés au levain commercial ou bien sont apportés par l’air, par les ustensiles et les matières premières dont se servent les brasseurs ; mais nous savons que les fermens de maladie périssent dans le moût lorsqu’il est porté à la température de l’ébullition, puisque le même moût peut ensuite rester indéfiniment exposé au contact de l’air pur sans éprouver aucune altération. D’un autre côté, il est possible de préparer la levure, haute ou basse, à l’état de pureté. Dès lors, puisque les germes de maladie sont tués dans la chaudière de cuisson du moût, puisqu’un levain pur ne peut apporter aucun ferment nuisible, on doit pouvoir faire de la bière inaltérable, si le moût, sortant de la chaudière, est refroidi et manipulé à l’abri de l’air ordinaire ou au contact de l’air pur, puis mis en levain pur, et si la bière faite est logée dans des vases soigneusement purgés de tout ferment de maladie.

Guidé par ses vues théoriques, M. Pasteur est arrivé à faire de la bière par un procédé qui réalise toutes ces conditions et qui est