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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/461

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UN
MANUSCRIT RETROUVÉ

Lettres inédites de Mme de Sévigné, publiées par M. Charles Capmas, 2 vol. in-8o, Paris. 1876; Hachette.

C’était chose facile autrefois de faire une édition, — trop facile peut-être, — un plaisir plutôt qu’une tâche. Quand on avait passé de longues années dans le commerce d’un auteur favori, de douces heures, quand on avait vieilli dans sa lecture et qu’on avait goûté ce charme d’y trouver, aux jours de tristesse la parole qui console, aux jours de lassitude ou d’ennui le sourire qui rend le courage et l’espoir, il semblait alors qu’on payât, en l’éditant à nouveau, sa dette de reconnaissance. On écrivait donc, après bien du travail, une préface émue ; on faisait au texte connu les honneurs d’un format nouveau, d’un papier choisi, d’une impression de luxe; on le commentait longuement, avec amour, — car c’étaient ses propres souvenirs et ses lointaines émotions qu’on repassait en le commentant ; — on dédiait l’édition à quelque personne chère, à quelque mémoire gardée pieusement, et la bibliothèque des amateurs s’enrichissait d’une pièce rare. Altri tempi, altre cura; c’était le mot de Mme de Sévigné ; nos érudits ont changé tout cela. C’est une science aujourd’hui que d’éditer un texte, une science épineuse, une science qu’on n’aborde pas sans avoir fait ses preuves dans un long et pénible apprentissage. Déchiffrement des autographes, copie, collation, révision, critique des textes, obscurités grammaticales, bizarreries du vieil usage dont il faut rendre compte, énigmes historiques à deviner, contradictions à résoudre, concordances à rectifier… quoi