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Si M. le ministre de l’intérieur et son sous-secrétaire d’état, qui ont combattu raisonnablement la suppression, se prêtaient aujourd’hui à cet expédient, ils ne seraient pas difficiles. Un jour on supprime les aumôniers institués par une loi, un autre jour on supprime des sous-préfectures également instituées par une loi. Avec cela, on crée des difficultés au gouvernement, on prépare d’inévitables conflits avec le sénat, et c’est ce qui s’appelle faire des réformes utiles à la république !

Les peuples qui ont eu des années de paix et de bonheur sont quelquefois pris du goût des expériences et du mouvement. C’est évidemment une expérience intérieure d’une certaine gravité qui commence pour l’Italie par les élections qui viennent de s’accomplir. Lorsqu’il y a huit mois une crise parlementaire favorisait l’avènement au pouvoir de la gauche, représentée par des hommes d’origines et de nuances diverses sous la présidence de M. Depretis, c’était déjà sérieux comme symptôme assurément. L’évolution ministérielle ne pouvait cependant avoir une signification et des conséquences politiques bien accentuées.

La manière dont s’était accompli le changement prouvait la dislocation de l’ancienne majorité, encore plus que l’existence d’une majorité nouvelle assez décidée pour faire vivre un cabinet. Si le ministère Minghetti était tombé pour n’avoir pu rallier tous les élémens de libéralisme modéré qui l’avaient soutenu jusque-là, le ministère Depretis avait à compter avec une chambre où ces élémens restaient toujours assez puissans pour former une opposition sérieuse, peut-être même pour reconquérir le pouvoir à la première occasion. La question de prépondérance entre les partis n’était pas tranchée. Aujourd’hui tout change brusquement par les récentes élections, qui sont un vrai coup de théâtre. Il ne faut pas s’y tromper, c’est un événement au-delà des Alpes, c’est le déplacement complet de toutes les conditions de politique intérieure dans lesquelles l’Italie a vécu depuis quinze ans, depuis qu’elle existe. Jusqu’ici en effet les libéraux modérés ont été presque invariablement au pouvoir, ils dominaient dans les chambres, Le dernier scrutin vient de leur infliger une effroyable défaite. Dans les provinces du Napolitain, sur 144 collèges ils ont une nomination ; en Sicile, ils en ont deux. M. Visconti-Venosta, l’ancien ministre des affaires étrangères, qui a pendant longtemps dirigé si habilement la diplomatie italienne, M. Visconti-Venosta n’a pu se faire élire dans son collège de Tirano, et il vient d’échouer à Milan. M. Lanza n’a pu réussir qu’à un ballottage disputé à Turin. C’est à peine si des hommes considérables, d’anciens ministres comme M. Minghetti, M. Sella, ont trouvé grâce devant les électeurs. Un parti qui a régné pendant quinze ans, qui a conduit les affaires de l’Italie dans les heures les plus difficiles, ce parti va peut-être compter tout au plus 100 représentans dans une chambre où la gauche et les partisans du ministère entrent au nombre de 400 !

Comment expliquer cette révolution de scrutin ? Est-ce un goût de