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M. G. GROEN VAN PRINSTERER.
In Memoriam. — Guillaume Groen van Prinsterer, Notice biographique par M. Cohen Stuart, Dr en théologie. Utrecht, Keminck et fils, 1876.


La Hollande a perdu cette année l’un de ses hommes les plus remarquables, soit comme publiciste, soit comme représentant d’une tendance politico-religieuse qui n’a pas cessé de se faire valoir avec puissance dans ce pays où elle fut jadis et plus d’une fois prépondérante. M. Groen (prononcez Groun) van Prinsterer, mort le 19 mai 1876, à l’âge de soixante-quinze ans, fut une de ces personnalités qui creusent leur sillon dans la génération dont ils font partie, et qu’on ne saurait, sous peine d’injustice, laisser disparaître sans rendre hommage à leurs mérites. Un de ses compatriotes, le docteur Cohen Stuart, a consacré à sa mémoire une notice étendue, en français, et qui dénote un talent rare chez un étranger dans l’art de manier notre langue. A peine pourrait-on relever çà et là quelques traces fugitives de l’idiome national de l’auteur.

Guillaume Groen van Prinsterer naquit le 21 août 1801 à Voorburg, près de La Haye, dans un beau village qui reçut autrefois toute une colonie de réfugiés français. Son père était médecin et prit grand soin de son éducation. Il l’envoya étudier les lettres et le droit à Leyde, où il se lia d’amitié avec plusieurs jeunes gens qui devaient plus tard relever avec lui le drapeau de la vieille Néerlande orangiste et calviniste, Da Costa, Mackay, Elout, et qui reçurent comme lui une vigoureuse impulsion du poète Bilderdyk. Celui-ci, déjà vieux, après plus d’une variation, était venu se fixer à Leyde, où son romantisme poétique et politique exerçait une grande influence sur les étudians. Toutefois le jeune Groen ne se laissa pas entièrement dominer par l’esprit quelque peu excentrique du vieux poète, dont le génie imaginatif n’était pas toujours contenu par la logique et le sens des réalités. Il y eut toujours chez Groen une certaine sobriété, un goût prononcé pour les choses lucides qui l’empêcha de se perdre dans le rêve et lui perm.it de devenir un homme politique.

Docteur ès-lettres et en droit depuis 1823, mais trop faible de santé pour occuper une chaire professorale qui lui était offerte à Leyde, il devint en 1827 secrétaire intime du roi Guillaume Ier, ce souverain dont on n’a bien compris que de nos jours les véritables idées. Guillaume Ier était à la fois absolutiste et libéral, professant ouvertement la plupart des maximes du libéralisme moderne, mais entendant les appliquer lui-même, très jaloux de son pouvoir royal, impatient du contrôle parlementaire. Il y eut bientôt conflit entre les idées du jeune secrétaire et celles de son royal protecteur. Groen n’était ni absolutiste, ni libéral, — n’en déplaise à son habile biographe, qui lui décerne, selon nous, trop facilement cette dernière épithète. Il était calviniste, comme tel antipathique