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corps. Les variations de cette température, son élévation ou son abaissement, sont figurées par une courbé inscrite à la main sur une feuille placée au chevet du lit de l’enfant, et fournissent d’utiles indications.

Je n’ai parlé jusqu’à présent que du personnel qui prescrit ; il me reste à parler du personnel qui exécute, c’est-à-dire des sœurs et des infirmières. Il y a quelques années, on aurait pu se contenter de rendre en passant un hommage banal au dévoûment des sœurs ; aujourd’hui la question est devenue presqu’une question politique, Dans la campagne entreprise contre les empiétemens du cléricalisme, on ne va pas encore jusqu’à vouloir fermer aux ordres religieux l’accès des établissemens hospitaliers, mais on critique la manière dont les membres de ces ordres accomplissent l’œuvre de dévoûment à laquelle ils se sont consacrés. On cite des exemples d’intolérance, d’obsession, de prosélytisme outré ; l’on accumule les petits faits pour dresser un jour un réquisitoire en règle. D’un autre côté, les défenseurs des ordres religieux s’échauffent dans la lutte ; à l’injustice des critiques ils opposent l’inévitable exagération des dithyrambes, et l’on risque fort de ne contenter personne en opposant à ces vivacités réciproques quelques mots d’impartiale vérité.

On se fait généralement une idée assez inexacte du rôle des sœurs dans l’organisation des hôpitaux. Les imaginations pieuses aiment à se les représenter suffisant à elles seules à tous les services de l’hôpital, rendant aux malades tous les soins que leur situation comporte, depuis les plus humbles jusqu’aux plus élevés, soignant à la fois leur corps et leur âme, pansant leurs plaies et consolant leurs douleurs. La réalité des faits n’est pas de tout point conforme à cet idéal. Il y a une bonne raison pour qu’elles ne remplissent pas des fonctions aussi multiples : c’est l’insuffisance de leur nombre. Aux Enfans-Malades (pour ne pas sortir des hôpitaux d’enfans), il y a 26 sœurs ; à Sainte-Eugénie, il y en a 18, ce qui ferait à peu près en moyenne une sœur par 20 enfants, s’il ne fallait encore tenir compte de celles qui sont employées aux services généraux, lingerie, cuisine, etc.

Il est donc de toute impossibilité qu’elles subviennent seules à tous les services de l’hôpital, et force est bien de leur adjoindre le concours d’infirmières laïques et payées. Cet état de choses remonte loin, et au début l’autorité religieuse avait fait effort pour s’y opposer. « Nous ordonnons, disait un statut de 1536, que pour servir aux pauvres malades, y aura en cet Hostel-Dieu quarante sœurs religieuses professes de l’ordre de Saint-Augustin, et autant de filles blanches… À iceux services des malades ne seront permis aucunes personnes séculières de quelque sexe ou condition qu’elles