la robe blanche de l’augustine, sous la robe noire de la fille de Saint-Thomas, sous la robe grise de la sœur de Saint-Vincent, la femme, même pliée sous la règle, même assouplie, même domptée, reste après tout ce qu’elle était : douce ou brusque, froide ou sensible, lente ou active. Un jour, visitant dans un hôpital d’enfans une salle de chroniques, je demandai à la sœur si elle avait beaucoup d’enfans à soigner : « Toujours trop, me répondit-elle un peu brusquement ; on a bien du mal à venir à bout de tant de besogne. » Je fus, je l’avoue, un peu froissé de cette réponse, et je serais peut-être parti sous cette impression, si je n’avais visité avant de sortir le même service du côté des garçons. J’adressai à la sœur la même question : « Jamais assez, me répondit-elle ; il y a tant de pauvres petits enfans qui demandent à entrer ici et qu’on ne peut pas recevoir faute de place. » Je demandai ensuite au directeur s’il avait constaté quelques différences dans la manière dont les enfans étaient soignés dans les deux services : « Aucune, » me répondit-il. C’est qu’il y a quelque chose qui supplée à la variété des caractères, c’est l’uniformité de la règle, cette grande loi du monde moral comme du monde physique, dont le sentiment religieux centuple et vivifie la force.
Mais, dira-t-on, à côté des sœurs, dont on parle toujours, il y a les infirmières, dont on ne parle jamais, et qui remplissent les offices les plus pénibles. Ne rendent-elles pas autant de services, et n’ont-elles pas autant de mérite ? Oui, il y a les infirmières, dont on ne parle jamais, et dont un juge sévère dirait peut-être qu’il vaut mieux dans leur intérêt ne pas parler ; mais il n’y a rien dont il faille se garder autant que de ces jugemens absolus portés sur toute une classe : il est impossible que ces sentences ne comportent pas une forte somme d’injustices individuelles contre lesquelles l’équité proteste. Ce serait d’ailleurs ici le cas. J’ai déjà rendu hommage au dévoûment exceptionnel des infirmières de l’hospice des Enfans-Assistés, recrutées, il est vrai, avec un soin particulier et par l’intermédiaire des sœurs. Le même éloge peut, en partie du moins et avec plus de réserves, s’appliquer aux infirmières de Sainte-Eugénie et des Enfans-Malades. Dans ce dernier hôpital, les sœurs de Saint-Thomas de Villeneuve font également venir de Bretagne un certain nombre d’infirmières qui constituent l’élite du personnel. D’ailleurs le soin des enfans, cette forme de l’instinct maternel, est tellement naturel à la femme, que telle infirmière, dont l’unique préoccupation dans un hôpital d’adultes serait d’expédier le plus rapidement possible sa besogne, aura pour les enfans des attentions minutieuses. Qu’une petite fille ait seulement de jolis cheveux blonds ou de grands yeux noirs, elle ne tarde pas à devenir l’enfant gâté