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à cette forme de gouvernement ! Ce sont les voluptueuses incartades et les élégantes folies des heureux enfans de la fortune et de la naissance, délivrés de toute gêne ennuyeuse par l’égalité triomphante, qui revivent dans les esquisses rieuses et les saynètes de Gustave Droz. Bals masqués aux travestissemens excentriques, tableaux vivans trop peu pudiques, maillots trop roses et trop collans, toilettes tapageuses et compliquées, aristocratisme de manières s’exagérant à plaisir pour trancher plus nettement avec la banale vulgarité des mœurs générales, et cherchant à rétablir par la différence des formes le fossé des distances sociales comblé par dix révolutions, longues stations de carême aux mondaines églises parisiennes, pénitences distinguées d’une dévotion facile mêlées aux faiblesses aimables d’une sensualité de bon ton ; tout cela a été très vrai à son heure, tout cela reste vrai encore aujourd’hui, car, nous le savons, les mœurs changent moins vite que les gouvernemens, et les goûts régnans sous un régime déchu lui survivent au moins aussi longtemps que durent les générations qui les ont partagés.

Il y a autre chose encore dans les croquis de M. Droz que ce souriant persiflage du beau monde parisien, et cette autre chose c’est une assez forte dose d’un voltairianisme très suffisamment agressif, voltairianisme d’autant plus fait pour surprendre et pour être remarqué qu’il se présente sous la signature d’un nom qui est des plus honorablement connus dans le monde catholique et légitimiste. A la vérité, ce voltairianisme est plutôt irrévérence qu’irréligion, car il s’attaque beaucoup moins aux doctrines et aux croyances qu’aux institutions et aux personnes ; il n’en est peut-être que plus irritant par là. En règle générale, les hommes supportent beaucoup plus aisément les coups de bâton qui tombent sur leurs opinions qu’ils ne supportent une chiquenaude sur l’oreille ou une croquignole sur le bout du nez. On trouverait difficilement un magistrat qui se fâchât des attaques dirigées contre telle ou telle loi qu’il est chargé d’appliquer, mais on en trouverait beaucoup qui seraient exaspérés si on venait leur dire que leur personne n’inspire pas une terreur suffisante aux criminels et un respect assez marqué aux gendarmes.

Je parlais tout à l’heure du nom que porte l’auteur, peut-être cependant ce nom est-il pour quelque chose dans cette irrévérence agressive, car il y a là une connaissance intime d’une foule de détails du monde d’église, où se trahit comme l’expérience rancuneuse d’une éducation première, qui a fourni les armes mêmes dont il se sert. Ce persiflage est celui d’un homme qui, élevé dans le sérail, en connaît nombre de détours. Onction quasi musicale de l’abbé Gélon, faite pour ravir les âmes des pénitentes de haut lieu, piété profonde mais populacière de l’abbé Brice, bonne