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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/716

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examiner et à voter le budget avant le dernier jour de l’année. Avec un peu d’esprit politique de la part de la commission du budget, avec un peu de décision de la part du gouvernement et une certaine raison dans les partis, on pouvait certainement expédier sans précipitation, comme aussi sans discussions inutiles ou périlleuses, ce qui est après tout la première condition de régularité dans la marche des affaires de l’état, sous la république comme sous la monarchie. Oui, sans doute, c’était fort simple de s’en tenir à ce que les circonstances indiquaient tout naturellement. Il paraît que c’était trop simple, trop modeste, que la république aurait souffert, si l’on s’était borné à rester raisonnablement dans les limites pratiques du budget, et au lieu d’une session d’affaires, nous avons depuis un mois la session de l’imprévu, des incidens, des fantaisies agitatrices et des confusions. Qu’en résulte-t-il ? Des votes d’irréflexion qui ont toute chance de n’être pas sanctionnés par le sénat, des perspectives de conflit entre les deux chambres, des relations de plus en plus difficiles entre tous les pouvoirs, en un mot une situation incohérente, si complètement ébranlée, qu’on ne sait plus ni comment le ministère peut vivre, ni comment on pourrait le remplacer.

Le mal réel et profond de cette situation, c’est que la direction n’est nulle part, c’est que de tous les côtés les instincts, les préjugés ou les passions de parti l’emportent sur la raison, c’est que dans cette majorité qui est censée être la régulatrice de la vie parlementaire, il n’y a ni équilibre, ni cohésion, ni expérience des conditions les plus essentielles d’un régime régulier. La conséquence est tristement claire, elle est écrite dans ces débats et ces incidens de tous les jours : on va au hasard ; à propos du budget on se plaît à tout remuer, à tout confondre, on fait de la politique, de la philosophie, de la polémique religieuse, de l’administration, on ne résiste pas à la tentation de soulever les questions les plus irritantes ou les plus délicates, au risque de placer le gouvernement dans l’embarrassante alternative d’avoir l’air de se séparer de la majorité qui l’appuie ou de paraître infidèle à des intérêts supérieurs qu’il est tenu de défendre. M. le garde des sceaux disait l’autre jour, avec sa vigoureuse raison, aux députés qui l’écoutaient un peu impatiemment : « Vous vivez dans un monde qui est étroit, qui est exclusif, qui vous empêche de connaître le pays. » Rien n’est certes plus vrai : on vit dans une atmosphère factice pleine d’excitations, on amasse artificiellement des orages, et on se réveille bientôt en face des inquiétudes qu’on a semées, devant des complications qu’on a provoquées sans le vouloir ou sans le savoir. C’est l’histoire du moment.

Où était la nécessité de réveiller dès le début d’une session extraordinaire, toute affaire cessante, cette question des poursuites pour des faits relatifs à la commune ? L’inconvénient de cette proposition, vertement combattue par M. le garde des sceaux, était de soulever toute sorte de difficultés très disproportionnées avec l’objet qu’on avait en vue. Si