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ses preuves, il en est encore à les faire, à montrer le degré de force que son concours peut porter au gouvernement. M. le ministre de l’intérieur est un peu la victime de la situation que les partis lui créent en dénaturant ses idées et son caractère. Les uns, par une exagération ridicule, se font un jeu de représenter M. de Marcère comme une sorte de mandataire ou d’otage du radicalisme au pouvoir. À les entendre, M. le ministre de l’intérieur livrerait les institutions, le gouvernement du maréchal aux influences révolutionnaires ; il trahirait tous les intérêts conservateurs ! Les autres, comme pour donner en partie raison à ces absurdes jugemens, se plaisent à montrer dans M. le ministre de l’intérieur le représentant privilégié de la majorité républicaine de la chambre, le gardien des institutions et de la politique libérale, un rival ou un antagoniste de M. le président du conseil. M. de Marcère n’est point ce que disent les partis contraires. C’est un homme de sens et de modération, qui n’a pas réussi encore à se dégager des faux jugemens. Il n’a pas trouvé son véritable équilibre, et il a fini par ce rapport sur les honneurs funèbres qui, sans le réconcilier avec les conservateurs, l’a mis peut-être en froideur avec une partie un peu ardente de la majorité.

Eh bien ! tout cela peut avoir quelque degré de vérité, si l’on veut. Il n’est pas moins certain que le ministère, tel qu’il est, représente la sincérité des intentions, la fidélité au régime dont il est le gardien, la modération dans le libéralisme. Il se personnifie dans un chef environné de la considération publique, connu de l’opinion pour la supériorité du talent et pour l’intégrité. Nous savons bien qu’il est de mode aujourd’hui à Versailles d’accuser M. Dufaure. On prend presque son parti de la chute de M. le garde des sceaux, et on ne lui a pas ménagé les mécomptes depuis quelques jours. Tout cela est au mieux et rentre dans ce système de fronde, d’hostilités plus ou moins déclarées, que les ministres doivent s’attendre à rencontrer dans le régime parlementaire. Ce n’est pas tout cependant. Comment remplacera-t-on M. Dufaure ? A-t-on à sa disposition un chef de cabinet ayant la même autorité aux yeux du pays, et si ce chef existait, aurait-on la certitude qu’il serait accepté ou subi partout ? Les hommes sensés de la chambre devraient y songer. Après avoir défait ou arrangé comme on l’a voulu les budgets, va-t-on défaire des ministères sans se demander à qui le pouvoir passera le lendemain ? S’il y avait une majorité réelle, la question serait simplifiée sans doute ; mais cette majorité vraie, possible, elle n’existe point, ou du moins elle ne s’est révélée jusqu’ici que comme une force négative capable d’ébranler bien des choses, non de constituer un parti de gouvernements et ce n’est point ainsi apparemment qu’on entend accréditer les institutions nouvelles.

Les républicains de la chambre n’ont qu’une chance, qui est pour eux une fortune inespérée, qui leur laisse le temps de la réflexion, c’est que,