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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 18.djvu/751

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tout esprit militaire, toute vertu guerrière. Tout le monde s’accorde à dire cependant qu’encadrés dans des troupes européennes ou même dirigés par des officiers européens, les soldats sont capables de se comporter bravement, même en rase campagne ; mais, conduits par leurs propres officiers, ils se débandent au premier feu ou passent à l’ennemi. Il y a en ce moment une rébellion inquiétante dans la province du Kuang-si : on craint fort que les 2,000 hommes envoyés contre les rebelles ne fassent cause commune avec eux ; il en est constamment ainsi dans ces guerres intestines qui travaillent presque sans cesse la Chine, et font la faiblesse du plus vaste amas d’hommes qu’on ait jamais vus réunis sous la même autorité nominale. Si les 500 ou 600 millions d’êtres qui peuplent l’Empire du Milieu étaient aussi unis qu’ils sont nombreux, aussi braves qu’ils sont intelligens et laborieux, aucune force au monde ne pourrait contre-balancer cette puissance formidable, ni l’empêcher de submerger l’Europe. Quant à présent, l’empire chinois ressent plus de craintes qu’il n’en inspire à ses voisins ; mais si l’état ne porte pas d’ombrages, la population toujours croissante de la Chine, avec sa force d’expansion au dehors, menace de détrôner dans une partie du globe les races moins industrieuses et moins aptes aux affaires ; c’est une question que je retrouverai bientôt et à plusieurs reprises au cours de ma tournée sur le Pacifique.

De toutes les courses, la plus intéressante pour l’étranger est celle que son guide ne songe guère à lui indiquer, je veux dire la promenade dans les rues. C’est là qu’on saisit la physionomie du peuple et qu’on se fait une idée rapide des mœurs. Je ne puis m’arracher à cette ville marchande, si uniforme cependant, mais à la façon de l’océan, qu’on ne se lasse pas de voir battre le rivage. De chaque côté d’une ruelle d’environ 2 ou 3 mètres de large s’élèvent des maisons en brique grise, sans ornemens, mitoyennes, étroites, dont le rez-de-chaussée forme une boutique ouverte et remplie de marchandises. Une solide fermeture la met, dès que le soleil se couche, à l’abri des voleurs. Dans une niche préparée à cet effet, de petites bougies odorantes fument toute la nuit en l’honneur des dieux lares. Le patron est à sa caisse, de grosses lunettes sur le nez, sans cesse occupé de compter et de recompter des piles de sapèques et de mettre ses écritures à jour. Il surveille du coin de l’œil tout ce qui se passe au dehors et au dedans, prêt à courir sus à un pick-pocket ou à réprimander un apprenti paresseux. Ne perdre ni une minute de temps, ni un pouce d’espace, telle semble la préoccupation de tous ces Shylocks à face jaune.

Immense est la variété des négoces qui se poursuivent dans ces échoppes ; je renonce à en faire l’inventaire : comment cependant ne pas se laisser entraîner chez les marchands de bibelots, de