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Attaché au barreau de Dusseldorf, il continua de s’occuper du procès Hatzfeldt, qu’il mena à terme en 1854 par un arrangement très favorable à la comtesse. En même temps, il s’était jeté tout entier dans le mouvement politique de cette époque si agitée. Il écrivit alors dans le journal socialiste de Karl Marx, la Neue Rheinische Zeitung, où collaboraient aussi Engels, Freiligrath, Schapper, Wolff et d’autres écrivains moins connus.

Ces travaux littéraires ne pouvaient lui suffire : son caractère ardent le portait à agir. Lors du conflit entre la chambre prussienne et le ministère Manteuffel, il essaya d’organiser, à Dusseldorf, la résistance contre le coup d’état, en réunissant les ouvriers et les bourgeois, et quand quelques représentans décidèrent le refus de l’impôt, il tenta d’apposer les scellés sur les caisses de l’état. Avec plusieurs autres citoyens marquans, il forma un comité de résistance et lança des proclamations où il engageait le public à réunir de l’argent et des armes pour tenu, tête au gouvernement. En novembre 1848, quand le général Drigalski proclama l’état de siège à Dusseldorf, il fut arrêté avec Cantador, le chef de la garde bourgeoise, et poursuivi comme ayant provoqué la guerre civile. Il ne parut devant les assises que le 3 mai 1849. Il se défendit lui-même avec une audace et une éloquence qui firent grande impression sur le jury. Il invoqua hardiment le principe de la révolution française, la souveraineté du peuple. « Je ne veux et ne dois être acquitté, s’écria-t-il, que si l’on admet que l’appel aux armes est le droit et le devoir du peuple. » Il se souvenait de Robespierre. Il accabla des traits de son impitoyable ironie les partisans de « la résistance passive. » — « C’est le fait, disait-il, de ceux qui sentent clairement qu’ils doivent résister, et qui en même temps sont trop lâches pour oser le faire au péril de leur vie. La couronne confisque toutes les libertés de la nation, et, pour défendre ses droits, l’assemblée nationale prussienne décrète quoi ? « son mécontentement. » On ne comprend pas qu’une assemblée de représentans du peuple aboutisse à une semblable puérilité. » Il fut acquitté aux assises ; mais, poursuivi au correctionnel pour résistance à la police, il fut condamné à six mois de prison. Il employa ce temps à approfondir les questions sociales. Presque chaque soir, un ouvrier, nommé Kichniawy, venait, sa journée finie, causer avec lui sur ce sujet jusque très tard dans la nuit.

Rendu à la liberté, il se livra avec ardeur à l’étude de l’époque de la réformation en Allemagne. Il voulait se rendre compte comment les guerres de religion avaient affaibli son pays en le morcelant, et chercher ainsi les moyens de reconstituer son unité. Il tira de cette étude un drame intitulé : Franz von Sickingen, médiocre