conséquences que celle de trouver une méthode efficace pour contrôler les comptes des magasins coopératifs. Le choix des gérans, voilà en effet la grande difficulté. Le chef d’industrie particulière est directement intéressé à la bonne administration de son affaire ; le gérant ne l’est que très indirectement. Le premier, recueillant tous les bénéfices, déploiera beaucoup plus d’activité que le second, qui a un traitement fixe. Il est une vérité essentielle que les réformateurs ne doivent jamais oublier, c’est que le ressort de la production a toujours été et sera toujours la responsabilité et l’intérêt personnel. Le dévoûment a sa place dans la vie, et elle est grande. La charité, le devoir, l’amour de la patrie ont leurs héros et leurs martyrs, mais dans l’atelier et dans la sphère des intérêts matériels, ces vertus se lasseront vite d’être exploitées par la paresse et l’égoïsme. Le moine, il est vrai, travaille pour son couvent et l’enrichit, et le communisme, que l’on dit impraticable, se pratique sous nos yeux avec tant de succès dans les pays catholiques, que, si la société civile ne prenait point ses précautions, les corporations religieuses l’absorberaient tout entière ; mais là encore c’est l’intérêt personnel qui est en jeu. Seulement le but qu’il poursuit est placé dans le ciel.
La difficulté que rencontrent les sociétés coopératives dans le choix des gérans existe aussi pour les sociétés anonymes. Le ressort de l’intérêt est affaibli, mais les directeurs sont bien payés ; ils ont ordinairement une part de bénéfices, on peut les changer s’ils administrent mal, et ainsi ils sont poussés à bien gérer. En outre, comme on choisit les hommes les plus capables, ils sont presque toujours supérieurs aux industriels travaillant pour leur compte, et ainsi l’aptitude plus grande compense la moindre action de l’intérêt individuel. Au contraire la plupart des sociétés coopératives ont succombé par la faute des gérans. La raison en est visible. La coopération, comparée à l’entreprise individuelle, c’est le régime républicain succédant au régime despotique. L’histoire et même les faits contemporains prouvent qu’il faut bien des qualités chez un peuple pour assurer la bonne marche des institutions républicaines. Pour diriger convenablement une entreprise commerciale ou industrielle, des aptitudes spéciales sont indispensables ; si les ouvriers choisissent un des leurs, ces aptitudes lui manqueront fréquemment. Son autorité sera contestée, ses égaux lui obéiront mal. L’enthousiasme de l’œuvre entreprise maintient les coopérateurs dans le devoir pendant quelque temps ; mais plus tard on se lasse, le dévoûment se refroidit, les incompatibilités d’humeur s’accentuent ; les dissensions ou l’incapacité des gérans conduisent à la dissolution de la société. Pour avoir un directeur capable, il faut le bien payer ;