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Turenne alla le trouver à Périgueux avec toute sa noblesse et en reçut de grands honneurs. Catherine de Navarre chercha aussi à attacher Turenne à son frère. « Madame et moy parlions souvent ensemble, de façon qu’elle commença à prendre de la confiance en moy, qui l’honorais fort, ayant cette princesse de fort belles qualités, estant jeune et agréable, chantant des mieux, jouant fort joliement du luth, faisant quelques rimes. »

L’intimité de Turenne avec Catherine de Navarre dura l’espace de quatre ou cinq ans. « Leroy son frère ne désagréait pas cela, n’y voyant rien de malséant et jugeant que ce m’estait un moyen de me retenir davantage à lui que la conversation honneste et vertueuse de sa sœur avec moy. » Turenne suivit le roi de Navarre à Agen avec La Noue : les états de Blois, animés de l’esprit de la ligue, se déclarèrent contre les huguenots, et Henri III signa lui-même l’acte d’union. La guerre civile recommença immédiatement. Turenne s’empara de toutes les villes du Bas-Limousin et entra en Guienne, où il commanda sous le roi de Navarre. Il fut dangereusement blessé, et le roi le fit transporter à Agen, où il resta longtemps malade et en grand danger. Il ne recouvra la santé qu’après la paix de Bergerac (17 septembre 1577). Cette paix fut très favorable aux calvinistes ; elle leur donna des gouvernemens et des charges, des places de sûreté et des chambres mi-parties.

Turenne avait alors vingt-trois ans ; le roi de Navarre, qui prisait ses qualités, lui fit donner la présidence du synode national convoqué à Sainte-Foy en Agenois. Ce synode avait pour mission de chercher une confession de foi qui pût être commune aux protestans de France, des Pays-Bas, d’Allemagne. Turenne et quatre ministres furent désignés pour se rendre à l’assemblée luthérienne de Francfort. Bossuet, dans son Histoire des variations, écrit à ce sujet : « Le vicomte de Turenne, jeune alors, mais plein d’esprit et de valeur, que le malheur des temps avait entraîné dans le parti depuis deux ou trois ans seulement, qui s’y était donné d’abord beaucoup d’autorité, moins encore par son illustre naissance, qui le liait aux plus grandes maisons du royaume, que par sa haute capacité et sa valeur, était déjà lieutenant du roi de Navarre, depuis Henri IV. Un homme de ce génie entra aisément dans le dessein de réunir tous les protestans, mais Dieu ne permit pas qu’il en vint à bout. »

Il est assurément singulier de voir à quelque temps de là le roi de Navarre consulter Turenne au sujet de sa femme Marguerite, qu’il avait répudiée de fait. Henri III le pressait de la reprendre, Turenne lui donna le même conseil ; il ne pouvait guère faire autrement, ayant été honoré avec bien d’autres, il est vrai, des faveurs de la reine de Navarre ; mais Margot avait eu pour lui une passion plus sérieuse que de coutume. La reine mère vint avec sa fille à La