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que la passion a pu grossir, que l’esprit d’équité tranche dans la pratique de tous les jours.

C’est après tout le meilleur dénoûment d’une crise mal venue de toute façon, à cette fin d’année où les affaires ont besoin de n’être pas troublées par la politique, surtout dans un moment où s’agitent à Constantinople toutes les redoutables questions de la paix de l’Orient, peut-être aussi de la paix de l’Europe. Ces grandes questions viennent en effet d’entrer dans la phase décisive. La conférence européenne a commencé ses travaux à Constantinople. Sans doute on ne peut pas dire que la diplomatie aborde ces épineux problèmes dans des conditions absolument rassurantes. La réunion de la conférence a eu pour préliminaire inquiétant tout ce mouvement militaire par lequel la Russie s’est préparée ostensiblement à toutes les éventualités. L’armée russe est aujourd’hui campée aux abords du Pruth, sur les contins des principautés, et, sauf les hostilités ouvertes, tout est disposé pour la guerre. La grande question est justement de savoir si la diplomatie réussira à détourner le conflit, à suspendre feutrée en campagne de l’armée russe, qui n’a été jusqu’ici qu’une menace. Sans rien exagérer, peut-être pourrait-on croire pour le moment à une légère détente des choses. On craignait presque que la conférence ne pût se réunir et devancer l’explosion des événements ; la conférence est cependant réunie et s’est mise à l’œuvre. La Russie, au moment où se préparait la délibération européenne, semblait bien décidée à marcher, surtout à ne point se désister de l’idée d’une occupation militaire de la Bulgarie. Voici cependant que les premières explications échangées entre lord Salisbury et le général Ignatief paraissent avoir atténué les divergences d’opinions et déterminé un commencement de négociation sur des combinaisons qui auraient pour effet de détourner l’occupation des provinces de la Turquie, au moins par les forces russes. On cherche encore, et quelques paroles récemment prononcées par l’empereur Alexandre II ont un accent moins belliqueux.

Au milieu de cette situation, assurément toujours grave, de l’Europe, on s’est demandé bien des fois pourquoi M. de Bismarck se taisait obstinément, ce que signifiait ce silence prolongé et énigmatique. Eh bien ! M. de Bismarck a parlé, il a même parlé deux fois, à un banquet parlementaire et dans le Reichstag allemand. Et qu’à dit le chancelier allemand ? Rien de plus simple, en vérité. M. de Bismarck a parlé de l’inaltérable amitié qui lie l’Allemagne à la Russie, de son intention non moins sincère de rester au mieux avec l’Angleterre, de son désir également vif de soutenir l’Autriche, si elle était menacée, de l’alliance invariable des trois empereurs et de bien d’autres choses. M. de Bismarck est pour la paix, il ne veut que la paix, il ne travaille que pour la paix. Après cela, si la situation venait à changer, ne lui demandez