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former au centre de la chambre, entre tous les camps extrêmes, un noyau de forces libérales et conservatrices qui exercerait rapidement l’attraction la plus sérieuse. C’est le centre gauche qui semble naturellement appelé à remplir ce rôle de médiateur entre toutes les opinions modérées, et il le doit sous peine de continuer à se perdre dans cette confusion qui n’a que l’apparence de la majorité, où aucun gouvernement ne peut trouver un appui sérieux.

Il est plus que temps en effet de rentrer dans des conditions plus régulières, d’en finir avec toutes ces agitations qui ne servent après tout que les adversaires des institutions sous lesquelles s’abrite aujourd’hui la paix de la France. C’est l’intérêt du régime parlementaire qu’on dénature et qu’on fausse par la manière dont on prétend le pratiquer, qui ne peut qu’être compromis une fois de plus par des discussions oiseuses ou par des violences dont l’unique effet est de le représenter aux yeux du pays comme un régime de perturbation ou de stérilité. Nous oserons dire que c’est l’intérêt de la république elle-même. Les républicains, nous le savons bien, ont la fatuité de croire que seuls ils peuvent comprendre l’intérêt de la république ; malheureusement pour eux, ils ont vécu longtemps dans des régions morales où règnent les idées anarchiques. Ils ont par instans quelque chose comme le mal du pays, ils y reviennent souvent presque d’instinct, malgré eux, et ils sont toujours prêts ou à renverser un ministère, ou à violenter les pouvoirs réguliers, ou à biffer une loi à propos du budget, ou à invalider quelque élection qui ne leur plaît pas. Les républicains ont besoin de s’accoutumer à cette idée qu’aujourd’hui le meilleur programme de gouvernement, pour la république, c’est de vivre le plus régulièrement possible, de s’acclimater par la modération, de se faire accepter en offrant au pays toutes les garanties. La dernière crise peut être un enseignement de plus aujourd’hui. C’est au ministère nouveau d’effacer les traces de ces mouvemens désordonnés, de remettre l’ordre dans ce monde parlementaire un peu effaré, en faisant sentir une direction à la fois libérale et modératrice.

Le nouveau président du conseil, M. Jules Simon, par tous les dons de l’esprit comme par la nature de ses opinions, qui ne peuvent être suspectes aux républicains, est certes mieux placé que tout autre pour accomplir cette œuvre, à laquelle s’associeront avec empressement, sans nul doute, les collègues qu’il a trouvés au pouvoir. M. Jules Simon est un homme plein de ressources et d’habileté. En entrant au pouvoir, il n’a pas caché les conditions principales de son accession ; M. le maréchal de Mac-Mahon, de son côté, n’a pas déguisé ses vues sur certains points essentiels. Une alliance conclue dans ces termes, présentée aux chambres comme la garantie de l’accord des pouvoirs publics, ne peut évidemment qu’être profitable aux intérêts de la France, et cette seule considération domine certes toutes les petites questions de personnel