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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/146

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perspectives. Les traces de l’inquiétude publique et des préparatifs militaires sont déjà visibles dans la circulation du papier et dans le fonds de garantie métallique.

Le chiffre des billets en circulation est en ce moment de 735 millions de roubles; en juillet dernier, il n’était que de 693 millions[1]. Il y a donc eu dans les derniers mois, depuis les menaces de guerre, 42 millions de roubles ou 168 millions de francs de rejetés dans la circulation. Le fait est d’autant plus digne de remarque que cette année même, quelques mois auparavant, la banque avait à grands frais retiré et détruit solennellement une masse considérable de billets de crédit. En janvier 1876, en effet, la circulation du papier s’élevait à la somme énorme de 797 millions de roubles. L’encaisse métallique était à la même époque de 231 millions. La banque prit sur son encaisse pour réduire la circulation. Au mois de mai, 38,720,000 roubles furent publiquement brûlés en présence du contrôleur de l’empire et du gouverneur de la banque. Jamais, disent les comptes-rendus, l’on n’avait anéanti en une seule fois pareil nombre de billets. Pour cette opération, la banque avait retiré de son fonds métallique 32 millions de roubles; le reste, 6 millions environ, avait été fourni par un bénéfice sur la vente des monnaies. De pareils actes montrent hautement la bonne foi du cabinet de Pétersbourg dans les négociations orientales. Ce n’est point là la conduite d’un gouvernement qui nourrit en secret des desseins belliqueux. Aujourd’hui, par malheur pour les finances de l’empire, les circonstances ou la politique russe ont changé, et le bénéfice des courageuses opérations du printemps dernier est déjà perdu.

Les réserves métalliques ont été inutilement entamées sans profit pour la circulation fiduciaire, plus dépréciée que jamais. De 231 millions de roubles en janvier dernier, l’encaisse s’est abaissée à 180 millions, soit 50 millions de roubles ou 200 millions de francs en moins. Un trésor disponible de 180 millions de roubles[2], soit 720 millions de francs, reste toujours pour le gouvernement une précieuse ressource. La Russie n’est donc pas aussi dépourvue d’or et de numéraire qu’on se le figure souvent. Cette réserve toutefois, les ministres des tsars feront bien de n’y puiser qu’avec une extrême prudence. Le fonds métallique de la banque de l’état est la garantie des 755 millions de roubles de papier en circulation. Le découvert du trésor pour le papier-monnaie est ainsi au-dessous de 555 millions de roubles ou, autrement dit, de 2 milliards 220 millions

  1. Bilan de la banque de l’état du 1er juillet et du 22 novembre (4 décembre) 1876.
  2. D’après le bilan du 22 novembre (4 décembre) 1876, les 180,500,000 roubles de l’encaisse métallique se décomposaient ainsi : 122 millions en or, près de 27 millions en argent, et 31 millions 1/2 en valeurs réalisables en or.