Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

navires à vapeur, modeste contingent de corvettes à roues de 220 chevaux. Le récit des circonstances qui avaient motivé cet armement ne serait pas ici à sa place. Bornons-nous à rappeler en passant que le sultan Mahmoud venait de mourir et que la bataille de Nézib ouvrait à Méhémet-Ali le chemin de Constantinople. De graves complications pouvaient surgir en Orient, qu’une politique prudente devait prévoir, pour être en mesure d’en conjurer le danger. Tel a été le prélude de ce que nous avons appelé la crise de 1840.

L’Angleterre, à cette époque, n’entendait pas se désintéresser de la politique continentale, et dans la question d’Egypte ses ministres n’étaient pas hommes à lui conseiller une pareille attitude vis-à-vis de la France. N’est-ce pas ici même que le comte de Jarnac, dont la mort encore récente a excité tant de regrets des deux côtés du détroit, a raconté comment lord Palmerston s’était fait en 1840 l’instigateur de la coalition contre la France, inaugurant ainsi le réveil de cette politique de défiance qui a si longtemps divisé les deux pays? Un peu plus tard, à propos du Maroc ou du droit de visite, à propos de Taïti ou des mariages espagnols, on retrouve cette même politique à l’œuvre, toujours active, toujours en éveil. Le « vieux Pam » en sera l’âme; il représentera jusqu’à son dernier jour, dans ce qu’il a de vivace chez le peuple anglais, le vieil esprit d’antagonisme que des siècles de rivalité et de guerre avaient mis au cœur des deux nations. Puisse-t-il en avoir été le dernier représentant !

En 1844, un an après qu’avait paru le rapport de la commission française sur la défense des frontières maritimes, sir Robert Peel venait déclarer à la chambre des communes que les côtes d’Angleterrre n’étaient pas défendues. Les anciens ouvrages, disait-il, n’existaient plus ou étaient insuffisans. Il proposait en conséquence de nommer une commission chargée d’étudier cette importante question de la défense. Dès l’année suivante, les études étaient terminées, le plan des travaux et le devis des dépenses établis; c’était la contre-partie de ce qui venait de se passer en France.

Deux ans plus tard, en 1846, c’est lord Palmerston qui vient à son tour sonner l’alarme. Le chef du foreign office d’alors a été ministre de la guerre, et il n’entend pas l’oublier. « L’Angleterre est désarmée et à la merci d’une invasion, écrit-il dans un rapport sur la défense du royaume-uni : elle n’a pas d’armée, pas de places fortes, sa frontière n’est pas défendue, — et, en regard de ce tableau peu rassurant, il représente la France en armes, Paris fortifié, la flotte française au moins égale en nombre à la flotte anglaise, et toute prête à jeter 100,000 hommes sur l’autre rivage de la Manche. Aux ministres, aux hommes d’état, viennent se joindre les deux