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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/170

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dans sa principauté qu’un parti religieux entravât l’exercice de ses droits. Le duc d’Estrées dans ses Mémoires dit, en parlant de l’assemblée de Saumur, que « le duc de Bouillon y servit très bien et fidèlement, ainsi qu’il l’avait promis, et que, par son adresse et par son crédit dans la compagnie, il porta les opinions à la tranquillité et au repos, et l’emporta sur les desseins que les ducs de Rohan et de Sully avaient de brouiller les affaires pour leurs propres intérêts et porter toutes choses à la guerre[1].

L’assemblée, avant de nommer les députés qui, aux termes de l’édit de Nantes, devaient être les agens des églises auprès du roi, exigea que la cour répondît à ses cahiers : Bouillon lutta en vain contre cette prétention; il quitta Saumur, dégoûté de l’inutilité de ses efforts. Le chancelier Villeroy et Jeannin allèrent ensemble le remercier, et peu après la reine lui donna l’hôtel de Bouillon. Pour le gouvernement du Poitou, on le laissa attendre, et il devina qu’on n’avait pas envie de le lui donner. Il n’accepta pas moins une ambassade extraordinaire à Londres, pour annoncer au roi Jacques les mariages espagnols, auxquels la reine s’était décidée. Le roi Jacques exhorta Bouillon à se réconcilier avec Rohan, et lui prêcha l’union des protestans français. Le 16 août 1612, Bouillon, Lesdiguières, Rohan, Sully, Soubise, La Force et Du Plessis, signèrent une sorte d’acte d’alliance, se promirent d’oublier les injures passées et de travailler ensemble au bien commun des églises. La cour avait jeté le masque, elle avait obligé l’assemblée de Saumur à se séparer sans répondre à ses cahiers. Le roi fit une déclaration qui interdisait de tenir des assemblées sans sa permission expresse, et de s’occuper d’autre chose que de ce qui concernait la doctrine et la discipline des églises. Concini avait été nommé maréchal de France, il avait quitté le parti des grands, qu’il avait travaillé sans cesse à diviser. Bouillon poussa Condé à la révolte et le fit sortir de la cour; celui-ci surprit Mézières et menaça de recommencer la guerre civile. Bouillon avait seulement voulu montrer sa force, il accepta le rôle de négociateur entre la régente et les grands. Condé et les seigneurs demandaient que les états-généraux fussent convoqués, que les mariages espagnols fussent différés, qu’on désarmât des deux parts. La négociation, commencée à Soissons, fut terminée à Sainte-Menehould. Les princes triomphèrent; ils furent tous bien traités. Bouillon reçut de l’argent, au dire de Rohan, Condé, Nevers, Vendôme, Mayenne, Longueville, obtinrent des gouvernemens ou des places.

Les états-généraux de 1614, les derniers de la France monarchique,

  1. Mémoires de la régence de la reine Marie de Médicis, p. 89.