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se séparèrent sans avoir rien fait de bon, et Bouillon, toujours mécontent, surtout depuis que la reine avait promis à Rohan, son ennemi, la survivance du gouvernement du Poitou, jeta les yeux sur le parlement de Paris pour en faire, à défaut des états-généraux, un instrument d’opposition. Il fut ainsi le précurseur de Retz; il souffla au parlement une audace nouvelle, l’inquiéta sur ses prérogatives, flatta ses bons et ses mauvais sentimens. Le parlement osa enfin faire les remontrances les plus vives, il fit alliance avec les princes et les invita à prendre part à ses délibérations ; il demanda qu’on reprit les anciennes alliances de la France, censura ainsi indirectement les mariages espagnols, s’éleva contre la mauvaise administration, la dissipation des finances, les charges et gouvernemens donnés aux étrangers, demanda le maintien des libertés gallicanes.

Le roi, dont sa mère et Concini dictaient les volontés, supprima par arrêt les remontrances. Condé quitta la cour, et Bouillon partit pour Sedan. L’alliance entre les princes et le parlement, on le vit dès le début, ne fut jamais sincère. La reine partit pour la frontière espagnole, protégée par l’armée de Bois-Dauphin. A Poitiers, on déclara rebelles Condé, Bouillon, Mayenne, Longueville et les autres seigneurs, et le parlement dut enregistrer humblement cette déclaration. Téméraires la veille, les hommes de robe étaient toujours timides le lendemain.

Bouillon se mit en campagne; il détermina l’assemblée des églises, malgré les efforts de Du Plessis et de Lesdiguières, à se déclarer pour Condé, et la transporta de Grenoble à Nîmes; il marcha rapidement sur Paris et jeta une telle épouvante dans l’Ile-de-France que tous les paysans cherchaient déjà asile dans la capitale, puis il fit mine de marcher sur Reims et passa brusquement la Marne : il donna le change à Bois-Dauphin, passa la Seine et puis la Loire, devant des forces bien supérieures, et avant que la cavalerie de Longueville ait eu le temps de le joindre. Il voulait aller donner la main à Rohan, en Guienne; mais celui-ci n’imita point son audacieuse stratégie, et, avec La Force, il n’avait pu réunir que peu de monde. La cour cependant marchait sur Bordeaux, et l’on sait que la reine mère versa des larmes de joie en y arrivant.

Bois-Dauphin, qui n’avait fait que des fautes, fut remplacé par Guise; la cour arriva enfin, à Bayonne, où se fit l’échange des princesses. Le but des seigneurs n’avait pas été atteint : le jeune roi leur avait échappé. Bouillon accepta promptement ce que l’on nommerait aujourd’hui les faits accomplis et ne songea plus qu’à faire la paix. Il mit tout en mouvement pour l’obtenir aussi favorable que possible : il s’assura les bons offices du roi d’Angleterre,