corps sans âme. On sait quels malheurs accablèrent le pauvre roi de Bohême. Il avait contre lui la maison d’Autriche, sans avoir pour lui la maison de France, qui ne songeait plus qu’à diminuer la puissance des calvinistes. En vain Bouillon sollicita le roi à saisir l’occasion pour empêcher l’Autriche d’opprimer l’empire et l’Europe (lettre dans le Mercure français, 1619); le palatin fut mis au ban de l’empire, et les ducs de Saxe et de l’empire furent chargés de l’exécution ; chassé de Bohême après la bataille de Prague, dépouillé de sa dignité électorale, il ne trouva un asile qu’à Sedan, auprès du duc de Bouillon.
En France, le roi avait ordonné la réunion du Béarn à la couronne, le rétablissement de la religion catholique dans cette province. L’assemblée de Loudun avait en vain protesté contre ces actes; Louis XIII avait marché sur le Béarn : il avait rendu au clergé catholique ses biens, mis des garnisons dans les places et rétabli le culte catholique. A peine avait-il repassé la Loire, les députés des églises se réunirent à La Rochelle; le roi, par arrêt du 22 octobre 1620, déclare cette réunion illicite. Bouillon, plus politique que les ministres, s’inquiétait avec raison des mouvemens des églises. On voit dans sa correspondance comment il cherche à s’interposer entre la royauté et les calvinistes, prêchant des deux côtés la modération et le respect des anciennes lois. Le 14 décembre 1620, il écrit à Rucellai, et, par le même courrier, au roi lui-même, et sa lettre mérite d’être reproduite en son entier :
« Sire,
« Je m’estois proposé de demeurer dans le silence, ne recherchant qu’à soulager mon indisposition ordinaire dans la douceur du repos dans ma famille ; mais à présent j’ay estimé ne debvoir taire à vostre majesté que deppuis peu de jours les depputés de la province du Hault-Languedoc et Haulte-Guyenne assemblés à Milau ont envoyé vers moi un gentilhomme pour me donner advis des haines et deffiances ès quelles sont vos subjects de la religion de ces quartiers à aussi bien qu’ès autres provinces, à cause des menaces qu’on leur faict tous les jours en tous les endroicts de vostre royaume, qu’on veult rompre les édicts, leur oster la liberté de leurs consciences, la seureté de leurs vies et la paisible jouissance de leurs biens et de leurs dignitéz ; esmeus, comme ils me disent, de ce qui s’est passé en l’affaire de Béarn, de ce qu’on en a anticipé l’exécution contre l’ordre dont on avoit donné asseurance de la part de vostre majesté à la dernière assemblée de vos dicts subjects de