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l’engageant à traiter de la paix, et, si on la refusait, lui promettant de se déclarer et de commencer la lutte en Champagne. Dans ce dessein, il était disposé à négocier avec Mansfeld; mais il ne voulait traiter avec ce dernier qu’au nom du parti calviniste, et il demandait à ne pas devenir la victime d’une paix séparée. Rohan accepta les offres de son ancien rival[1].

Les affaires des protestans étaient dans le plus déplorable état : les villes, les princes faisaient des paix séparées. Lesdiguières achetait par son abjuration l’épée de connétable, La Force le bâton de maréchal. « On allait, écrit éloquemment Rohan dans ses Mémoires, se prostituer pour vendre sa religion et trahir son party. Nos pères eussent écrasé leurs enfans dès le berceau, s’ils les eussent crûs estre les instrumens de la ruyne des églises, qu’ils avoient plantées à la lumière des bûchers et accrues par les supplices. » Condé ne parlait plus que d’exterminer les rebelles; le petit-fils de Coligny, Châtillon, s’accommodait avec le roi pour de l’argent. Rohan et Bouillon étaient les deux derniers appuis de la cause vaincue; le premier la défendait les armes à la main, se multipliant et relevant partout dans le midi les courages expirans. Bouillon, encore prudent dans la révolte, faisait mine de négocier au profit tantôt du prince palatin, tantôt du prince d’Orange avec Mansfeld et Christian de Brunswick. Ceux-ci amenèrent bientôt sur les frontières de Champagne leurs bandes farouches; mais le duc de Nevers les amusa par des négociations, les deux aventuriers se querellèrent entre eux, ils craignirent d’être pris entre une armée française et une armée espagnole, que Gonzalès de Cordoue avait amenée dans le Luxembourg. Le roi de France ne s’inquiéta pas outre mesure des Allemands. Il fit mine de prendre Bouillon au mot et de croire que Mansfeld allait au secours des Provinces-Unies. On pria Bouillon de les aider dans cette entreprise. Mansfeld et Brunswick vinrent camper sous le canon de Sedan; Bouillon leur donna des vivres et des munitions, garda leur gros bagage et leur gros canon et prépara leur marche par le Hainaut. La cause royale était triomphante, et Bouillon ne voulut pas se perdre sans nécessité et sans ressource; il détourna le flot qu’il avait amené et assista de loin à l’agonie de ses coreligionnaires. Le siège fut mis devant Montpellier, et la paix fut enfin signée le 9 octobre 1622. Cette paix confirmait l’édit de Nantes, mais ne laissait aux protestans que deux places de sûreté, La Rochelle et Montauban.

Bouillon n’avait jamais rompu ouvertement avec le roi. Le 20 juin, il lui écrivait pour exposer toute sorte de plaintes; il priait

  1. Mémoires de Rohanv liv. II, p. 129.