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Tout en employant du reste contre un fléau redouté les mesures de précaution les plus rigoureuses, il faut se faire d’avance à l’idée que ces mesures toutes provisoires n’auront de valeur que contre le genre d’invasion qu’on pourrait appeler artificielle, parce que l’homme y intervient directement. Tôt ou tard force sera bien de se résigner à l’invasion par voie naturelle, celle qui se fait sur l’aile des vents par les migrations du phylloxéra ailé ou aptère. Un jour viendra où, pour chaque région continentale, d’un vignoble à l’autre, par courtes étapes ou par bonds de plusieurs lieues, les émissaires de l’armée dévastatrice s’implanteront à l’état de colonies d’avant-garde. Dès ce moment, le mode de défense devra changer ; ce ne sera plus le système préventif, la frontière gardée et fermée ; ce sera la lutte sur le territoire violé, mais la lutte encore circonscrite entre des corps isolés qu’on s’efforcera d’anéantir ou tout au moins de contenir dans une impuissance relative.


II. — LE COMBAT SUR PLACE CONTRE LES PREMIÈRES COLONNES D’ATTAQUE.

Deux cas se présentent dans cette phase nouvelle de la défense. Ou bien l’ennemi, transporté de loin par voie d’introduction artificielle, n’occupe en très petit nombre que des positions rares et peu étendues ; ou bien ses premiers corps d’attaque sont les avant-coureurs d’une armée immense, campée dans le voisinage et pouvant envoyer incessamment de nouvelles phalanges d’envahisseurs. Si quelque espoir reste de contenir les corps isolés et même de les anéantir, on peut au contraire regarder d’avance comme perdue toute bataille contre des forces qui se succèdent et se remplacent. Mais avant de perdre courage et de se rendre sans combat, encore faut-il avoir épuisé tous les moyens de résistance, et, sous ce rapport, des expériences certaines ont établi que, si l’on ne peut attendre absolument un triomphe entier et durable, on peut du moins retarder l’heure où la déroute devient complète. Or c’est le cas d’appliquer ici le mot si connu « time is money, » car, lorsqu’il s’agit de riches vignobles comme ceux du Médoc, de la Bourgogne et du Léman, tout ajournement de désastre dans la récolte se traduit par des millions de revenu.

Examinons d’abord les cas les plus simples, ceux dans lesquels l’invasion première, très circonscrite, ne saurait s’alimenter par le voisinage d’une contrée entièrement envahie. Tels ont été par exemple les points d’attaque de Prégny près Genève, de Mühlberg, dans le canton de Thurgovie, de Schmerikon (canton de Saint-Gall) et de Flürhngen (canton de Zurich). Importé principalement