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d’Angleterre par des boutures de vignes américaines ou françaises, le mal, découvert en 1874, s’y trouvait encore à cette date cantonné en des espaces très restreints. Les énergiques mesures prises par les pouvoirs publics du pays et appliquées, il faut le dire, par de savans et d’éminens praticiens, ont donné de tels résultats que, en ce moment (novembre 1876), il n’existe plus, au moins en apparence, un seul foyer dans les quatre localités infectées. Pour cela, le simple arrachage ou recépage des pieds reconnus malades n’a pas suffi : on a largement étendu le traitement qu’on pourrait appeler de précaution autour des taches phylloxériques. A Prégny, par exemple, les insecticides les plus énergiques, sulfure de carbone, sulfocarbonate de potassium, pétrole, acide sulfurique, chaux d’épuration et eaux ammoniacales du gaz, polysulfures de calcium, ont été prodigués sous toutes les formes, si bien que, pour détruire 59,116 ceps, on n’a pas dépensé moins de 11,075 francs, sans compter 27,440 francs d’indemnités aux propriétaires, soit une somme totale de 38,515 francs, ce qui fait en moyenne près de 64 centimes 1/2 par cep. Il est vrai que pour ces vignes, en partie de luxe, les indemnités ont été très fortes; mais il faut songer aussi que dans cette région du Léman, le nombre de ceps est énorme pour une surface restreinte, tandis que, dans le midi de la France, l’espacement des ceps est si grand que le traitement de leur vaste système radiculaire entraînerait une bien plus forte dépense que pour des ceps à rangs pressés.

Quel que soit du reste le taux de ce sacrifice d’argent fait par le canton de Genève dans l’intérêt public, l’essentiel est que le but ait été atteint, même dans une mesure incomplète. Les savans auteurs du traitement, MM. Victor Fatio et Demole Ador, ne se font pas d’illusion sur la possibilité d’avoir laissé dans le sol, en dehors du cercle des insecticides, quelque germe fatal de la maladie. La récente découverte du phylloxéra près de Culoz est une menace nouvelle pour le canton de Genève; mais, encore une fois, reculer, fût-ce d’un an seulement, la période de l’envahissement général, c’est avoir bien mérité du pays, sans compter l’effet moral qu’un tel exemple d’énergie dans la défense peut avoir sur les particuliers appelés à lutter à leur heure contre le fléau qui les menace.

Un autre exemple d’extinction, au moins partielle, d’un foyer phylloxérique nous est donné dans notre propre pays. C’est celui de Mezel, à 12 kilomètres de Clermont-Ferrand. Découvert en mai 1875 par M. Jullien, professeur à la Faculté des Sciences de Clermont, ce foyer phylloxérique était resté circonscrit dans une vigne d’un hectare au plus, bien que les symptômes d’affaiblissement des