Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce n’est pas, du reste, uniquement aux sulfocarbonates alcalins que se rapportent les triomphes relatifs obtenus contre le phylloxéra par l’emploi des engrais insecticides. Depuis quatre ans, la commission départementale de l’Hérault, chargée d’appliquer méthodiquement dans ses vignes d’expérience du Mas de la Sorres les procédés les plus variés, a pu se convaincre que les plus sérieux de tous reposent sur l’emploi combiné des engrais puissans, riches en azote et en potasse, et d’insecticides appartenant aux groupes des sulfures et des produits empyreumatiques. Des tableaux dressés avec une rare précision par les deux expérimentateurs de la commission, MM. Durand et Jeannenod, professeurs à l’école d’agriculture de la Gaillarde, ont fait connaître année par année le résultat de tous ces essais. Le détail en serait ici déplacé; on peut dire en bloc que le savon noir, le sulfure de potassium et le goudron associés chacun à part au fumier ont maintenu le carré de vingt-cinq ceps dans un état de vigueur passable, tandis que les ceps témoins ont succombé sous l’étreinte du parasite. Par malheur, les espérances fondées sur l’emploi réitéré de tel mélange, comme par exemple les sels de Berre et les tourteaux, ou de telle substance complexe comme la suie, se sont trouvées tout d’un coup anéanties, alors qu’on pensait les voir confirmées. Ajoutons que, même avec une réussite relative, jamais les carrés traités n’ont retrouvé la vigueur normale de la vigne saine, et que le maigre et précaire succès obtenu l’a été au prix de tels déboursés qu’il y aurait folie à vouloir répéter en grand ces expériences d’étude.

Chose remarquable pourtant, tandis que des opérations méthodiques et savantes aboutissaient en définitive à démontrer la valeur presque purement théorique d’un très petit nombre de traitemens, le propriétaire du Mas de la Sorres, M. Michel Fermaud, agissant à ses propres frais sur une autre partie de son domaine, a réussi à conserver depuis quatre ans, au milieu de l’infection phylloxérique, une vigne, qui, cette année même, malgré la gelée du 13 avril, a donné 60 hectolitres de vin à l’hectare par un traitement dont la dépense annuelle n’est pas moindre de 12 centimes ½ par cep[1]. Dans ces conditions et vu le bas prix du vin produit, on peut toujours se dire que, dans le midi du moins, la lutte est encore impossible; mais il n’en est pas moins curieux de voir comment une expérience en grand, faite par un cultivateur, a mieux réussi dans son ensemble qu’une expérience faite en petit avec une précision scientifique. M. Durand, de qui je tiens ces détails, s’est bien rendu compte de cette apparente anomalie. D’abord dans les expériences par carrés

  1. Le traitement appliqué consiste en sulfure de potassium (100 grammes), fumier de ferme (4 ou 5 kilogrammes) et parfois urine de vache ou urine humaine.