l’insecte franchir d’un saut telle ou telle phase intermédiaire. Or nous allons voir que ces divergences d’opinions ont, au point de vue pratique, une importance capitale.
Par des observations d’anatomie délicate dont on ne saurait contester l’exactitude, M. Balbiani est arrivé à penser que la fécondité des générations parthénogénésiques du phylloxéra va en diminuant à mesure que ces générations s’éloignent de leur point de départ, qui doit être l’œuf d’hiver. Les individus à fécondité très affaiblie, ou bien périraient sans postérité, ou bien se transformeraient en individus ailés, lesquels donnant naissance aux individus sexués retremperaient ainsi par fécondation la fertilité de l’espèce. À ce compte, on pourrait comprendre comment tous les descendans aptères d’un seul œuf d’hiver arriveraient à disparaître du sol, soit par extinction individuelle, soit par transformation en insectes pourvus d’ailes et formant des colonies plus ou moins lointaines. Plein de cette idée, M. Balbiani suppose même, en interprétant quelques observations de M. le professeur Marion, que des vignes peuvent être débarrassées du phylloxéra par l’essaimage général et l’exode de l’ennemi. Si les choses se passaient souvent ainsi, ou même si, dans le courant d’une année, le nombre d’émigrans ailés était assez considérable pour appauvrir très-notablement les colonies souterraines, la conséquence logique serait de se préoccuper avant tout de la destruction de l’œuf d’hiver. C’est du reste parce qu’il penche vers cette idée que M. Boiteau, de Villegouge, près de Libourne, met tant d’insistance à propager dans le Bordelais les méthodes de destruction de ces œufs par le badigeonnage du bois de la vigne au moyen de liquides ou d’enduits insecticides. Il semble qu’en agissant ainsi sur la totalité des vignobles d’une région, on doive arriver, au bout de quelques années, à tarir la source où s’alimentent les phylloxéras souterrains, et par conséquent à en diminuer tellement le nombre que la vigne puisse s’accommoder de leur présence et donner des produits rémunérateurs.
Malheureusement les objections se présentent d’elles-mêmes contre les côtés faibles de ce système. Et d’abord, même en admettant avec M. Balbiani que la fécondité des aptères va en s’affaiblissant d’une génération à l’autre entre le printemps et l’automne, est-il bien sûr que cette fécondité ne reprenne pas un taux relativement élevé lorsque la première génération du printemps sort directement de la dernière génération d’automne, dont les individus, nés en octobre ou novembre sous le climat de Montpellier, passent l’hiver engourdis et grossissent et pondent au mois d’avril? D’ailleurs il est absolument certain que les générations aptères et souterraines de phylloxéras peuvent se succéder au moins trois ans de suite sans passer par l’état sexué : quelle masse prodigieuse de ces