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insectes hypogés ne suppose pas une telle multiplication, et quelles légions innombrables n’en voit-on pas en effet durant l’hiver sur les racines des vignes malades depuis deux ou trois années! Du 1er au 22 septembre 1876, sur des milliers d’insectes aptères captifs, M. Lichtenstein n’a obtenu que 12 insectes ailés. Supposons que la proportion en soit plus grande aux mois de juillet et d’août, toujours est-il que le nombre des aptères est incalculable et que ces myriades de suceurs enfouis sous le sol sont, après tout, l’ennemi le plus dangereux, au moins pour l’extension immédiate du mal autour des foyers primitifs. La colonisation à distance se fait sans doute par les essaims d’insectes ailés, mais une fois établis dans leurs quartiers souterrains, les descendans de ces colons pourront multiplier par eux-mêmes sans avoir besoin de se renforcer par les recrues venues du dehors et issues des œufs d’hiver.

Une autre objection sérieuse au rôle prépondérant que l’on voudrait donner à l’insecte ailé, c’est le fait bien établi que, dans certaines périodes de la saison chaude, des légions de phylloxéras courent à la surface du sol pour aller d’un cep à l’autre. Que le vent vienne à souffler, et, pour peu qu’il soit violent, il emportera dans les airs ces légers animalcules, semant ainsi à distance la contagion que l’on croyait avoir supprimée par la destruction des œufs d’hiver. D’ailleurs les œufs en question, observés dans la Gironde, existent-ils toujours dans cette période froide, dans la région de l’olivier? Deux choses nous font émettre un doute à cet égard : l’une, c’est que nos plus minutieuses recherches, non plus que celles de M. J. Lichtenstein, n’ont pu nous le faire découvrir à Montpellier (il est vrai que M. Marion, observateur excellent, les a trouvés dans les environs de Marseille); l’autre, c’est que les galles des feuilles de vigne, premier effet de la piqûre du phylloxéra né de l’œuf d’hiver, manquent presque absolument dans le Midi, tandis qu’on les trouve assez fréquemment sur des cépages, même indigènes, de la région de l’Ouest. Ne serait-il pas possible que les phylloxéras ailés de notre région, au lieu d’aller pondre, comme à Bordeaux, sur les feuilles et les bourgeons de la vigne, cherchassent souvent comme lieu d’élection les crevasses du sol ou la base même du cep où les femelles fécondées pourraient déposer leur œuf? Riley a justement vu ce fait, en Amérique, sur des phylloxéras ailés tenus captifs sous une gaze, autour d’un pied de vigne planté en pot. Les insectes, au lieu d’aller pondre sur les feuilles, déposèrent leurs œufs dans les fissures de la terre.

Une circonstance encore peut rendre moins efficace qu’on ne le croirait le traitement des vignes par destruction des œufs d’hiver placés sous l’écorce des ceps. C’est la présence, rare, il est vrai, mais bien constatée, d’insectes sexués ou de leur produit (œuf d’hiver)