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parlent que pour aiguiser quelques épigrammes dont il serait facile de retourner la pointe contre eux.

Du reste, si les vignes en question ont leurs détracteurs mal informés, elles ont, il faut l’avouer, leurs partisans maladroits. Dire qu’il faut les introduire partout, c’est donner un dangereux conseil, prétendre qu’en les greffant sur des ceps français malades (sans s’expliquer sur le degré de la maladie) on obtient en peu de mois une vigne américaine pleine de vigueur, c’est laisser croire que cette soudure du vif au mourant a des effets de résurrection plus certains que l’expérience ne le démontre; mais de telles exagérations, ne compromettant que leurs auteurs, laissent entière la valeur réelle de la plupart des vignes en question, soit à titre de porte-greffes de nos variétés d’Europe, soit même pour quelques-unes en tant que source directe de vins estimés.

Ce qu’on demande avant tout aux vignes des États-Unis, c’est d’être vraiment résistantes aux attaques du phylloxéra. A cet égard il s’établit dans certains esprits une confusion qu’il est utile de dissiper. On croit parfois que résistant veut dire indemne, c’est-à-dire respecté par l’insecte : or ce privilège n’est reconnu jusqu’ici qu’aux variétés qui se rattachent au vitis rotudifolia de Michaux (scuppernong, flowers, etc.), toutes vignes si différentes des autres par la nature du bois et du fruit, si exigeantes d’ailleurs en fait de chaleur estivale qu’elles ne peuvent jouer aucun rôle utile dans les cultures de l’Europe.

Quant aux autres types, labrusca à gros grains et à goût de cassis (foxy), œstivalis à petits grains et sans goût foxé, cordîfolia à grains moyens et de parfum varié, tournant parfois au foxé, toutes les variétés qui s’y rattachent sont attaquées par le phylloxéra, tantôt sur leurs feuilles, phénomène fréquent ou rare suivant les années et suivant les lieux, tantôt sur leurs racines, où la piqûre des aptères souterrains détermine les mêmes nodosités que sur les vignes d’Europe. Seulement chez ces dernières, les nodosités et le chevelu qui les porte se détruisant par l’effet d’une décomposition rapide, les générations de phylloxéras se répandent de proche en proche des radicelles aux racines moyennes, des racines moyennes aux grosses et finalement au pivot central du cep : chez les vignes américaines résistantes, l’axe ligneux des nodosités, plus dur et plus sain, continue souvent à produire sous son écorce épaissie et pourrie des radicelles adventives qui soutiennent quelque temps la vitalité de la plante. D’ailleurs, par une raison encore inconnue, la multiplication des phylloxéras souterrains se fait principalement sur les radicelles de ce chevelu incessamment renouvelé : les racines moyennes ne portent que peu d’insectes, les grosses racines, et le pivot presque pas.