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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/279

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acres du scuppernong, que l’immunité de ces racines provenait peut-être de cette saveur très prononcée; mais qu’on puisse établir sur ce seul indice une échelle de résistance des divers cépages, c’est ce que se refuseront à croire tous ceux qui savent combien peu la vie se prête à ces théories de cabinet.

C’est pourtant en vertu d’un pareil calcul que M. Fabre, de Saint-Clément, près Montpellier, vient de répéter, après M. Laliman, que tous les labrusca, et notamment le concord, succombent et doivent succomber aux attaques du phylloxéra. La vérité, c’est que le concord, si vigoureux, si sain, si résistant aux États-Unis, s’accommode assez mal du hâle de notre climat de l’olivier. Il souffre même très souvent dans les terres argileuses et froides, et prend alors une jaunisse qui tantôt n’est que passagère, tantôt se complique d’un rabougrissement des rameaux, avec développement de ramuscules aux aisselles des sarmens malades. Cette jaunisse, ce rabougrissement, se retrouvent çà et là chez d’autres cépages américains ou français. Ce mal est absolument indépendant du phylloxéra, et si je le signale ici, c’est pour réfuter une notion fausse qui fait attribuer à l’insecte ce qui tient au sol, au climat et à d’autres conditions encore inconnues. L’échec partiel du concord sur certains points de la France ne doit pas ébranler la confiance des agriculteurs sur la résistance générale des vignes américaines et plus particulièrement des œstivalis et du cordifolia. Résumons ici rapidement les preuves de cette résistance. Première preuve : l’existence même en Amérique de vignes indigènes cultivées depuis longtemps, alors que le phylloxéra est partout et que la vigne européenne, cent fois introduite, a toujours péri sous l’attaque de cet invisible ennemi. Seconde preuve : la vigueur de divers cépages américains (jarquez, clinton, taylor et autres), aux prises avec le phylloxéra depuis 15-13-12 ans, dans des enclos ou des pépinières où des vignes françaises sont mortes ou fortement affaiblies (enclos Laliman, à Bordeaux, Borty à Roquemaure, pépinières Ferrand à Cognac, Transon à Orléans), sans parler des plantations de trois à cinq ans, dont les exemples abondent dans les départemens du Var et de l’Hérault. Troisième preuve : expérience comparative des cépages américains et français, plantés côte à côte dans le même sol phylloxéré, et dont les premiers ont généralement prospéré, tandis que les seconds ont péri. Nous pourrions citer à cet égard les expériences de M. Reich, en Camargue, de M. Gaston Bazille et de M. le commandant Dubois au quartier de L’Aiguelongue, près Montpellier; mais ce serait se perdre dans le détail que rappeler les faits de ce genre observés dans le midi ou dans l’ouest de la France. De leur ensemble, on peut déduire sans hésiter le fait général de la résistance de presque tous