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de 1,250 kilomètres; sur la Mer du Nord, depuis la Hollande jusqu’au Jutland, ce développement, est de plus de 300 kilomètres. On s’est beaucoup occupé, dans ces derniers temps, de l’ouverture d’un canal de jonction entre les deux mers. Divers projets ont été mis en avant, et les deux plus hautes autorités de l’empire, M. de Bismarck et M. de Moltke, en ont entretenu le Reichstag. Dans l’exposé de l’état de la marine, dont il a été question plus haut, le chancelier de l’empire s’exprimait ainsi : « Il ne sera pas hors de propos de montrer que la marine allemande a un intérêt considérable dans le canal de jonction entre la Baltique et la Mer du Nord. Bien que ce canal doive avant tout procurer de grands avantages au commerce et puisse prendre par là, de préférence, le caractère d’une entreprise industrielle, cependant il est hors de doute que la marine impériale y puisera des forces considérables pour la guerre; il aidera surtout à la protection de nos côtes, en forçant l’ennemi à maintenir dans chacune de ces mers des forces supérieures aux nôtres. » De son côté, dans la session de 1873 et à propos du budget de la marine, M. de Moltke résumait en ces termes son opinion sur le canal : « Si nous sommes disposés, disait-il, à consacrer à notre marine militaire 50 ou 60 millions de thaler, employons-les à la flotte plutôt qu’à faire un canal pour la flotte. »

La question en est là, et jusqu’à présent on paraît s’en tenir à l’avis du comte de Moltke : on dépense pour la flotte les millions que coûterait le canal ; mais en même temps les travaux relatifs à la défense de la frontière maritime se poursuivent activement. Dès l’époque où la Prusse se mettait en possession du terrain où elle a fondé Wilhelmshafen, elle se préoccupait de cette défense, et une commission était instituée sous la présidence du général de Moltke. C’était avant l’exécution fédérale contre le Danemark, alors que la Prusse ne possédait sur la Baltique d’autre établissement naval que Dantzick; mais aussitôt que l’annexion du Holstein lui eut donné le magnifique golfe de Kiel, elle voulut en faire le siège d’un grand établissement naval. Après quelque hésitation sur le choix de l’emplacement, on mettait la main à l’œuvre au commencement de 1868, et depuis cette époque les travaux ont été poussés sans relâche; mais la défense de la frontière maritime n’était pas pour cela perdue de vue, et aussitôt après la guerre, en 1871, une nouvelle commission commençait ses travaux à Berlin. Si l’on insiste sur ces détails, c’est pour montrer quelle importance la Prusse d’abord, puis l’empire allemand, n’ont cessé d’attacher à cette grave question. L’ampleur des crédits alloués pour ces travaux a d’ailleurs une signification plus précise encore. Il serait sans intérêt de rechercher ce qu’ont été les propositions de ces commissions successives, car