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effectifs de ses navires armés, et la France n’a pas oublié comment ces hommes dévoués et vaillans répondirent à son appel. Que pouvaient faire dès lors nos escadres, condamnées à l’impuissance, comme l’avait été en 1854 l’escadre anglo-française? Que pouvait faire l’escadre de la Baltique? Son objectif lui manquait, et, fidèle à des traditions généreuses, elle ne voulait pas, en bombardant des villes ouvertes et sans défense, promener sur les rivages ennemis le meurtre et l’incendie. Elle ne pouvait donc que les bloquer de loin, et c’est ce qu’elle a fait jusqu’à ce que l’hiver fût venu les bloquer à son tour. La mobilisation de l’armée allemande, — par son organisation savante et éprouvée, — a plus fait dans la guerre de 1870 que l’écrasante supériorité du nombre.

Il nous en coûte de remuer les souvenirs d’un passé néfaste et de revenir, — même par voie d’hypothèse, — sur des faits militaires qui appartiennent à ce passé, mais nous avions à cœur, s’il en était encore besoin, de justifier la marine de reproches immérités. Il y a d’ailleurs à tirer de ces faits un enseignement qui n’est pas étranger à notre sujet, c’est que les navires cuirassés d’escadre ne sont pas faits pour la guerre des côtes.

Le plan dont nous venons de supposer l’existence n’avait pas échappé aux prévisions de l’état-major allemand. Il ne sera pas sans intérêt, il ne sera pas non plus hors de propos d’examiner comment il s’y était préparé. Le général von Falkenstein, chargé de la direction de la défense sur le littoral allemand, avait sous ses ordres cinq divisions, tant de l’armée active que de la landwehr; il disposait en outre des garnisons et des troupes de réserve appartenant aux quatre grands commandemens du littoral. Son armée, rangée sur une double ligne, à cheval sur les deux mers, faisait face à la presqu’île danoise. La première ligne avait son centre à Hambourg, sa droite à Wismar et sa gauche à Brème. La seconde s’échelonnait le long du chemin de fer Hanovre, Celle et Uelzen; toutes deux occupant ainsi les nœuds du réseau des voies ferrées à Brème, Hambourg et Hanovre, pouvaient se porter rapidement soit à gauche vers la Mer du Nord, soit à droite vers la Baltique, soit enfin droit devant elles pour fermer la route à un ennemi qui se serait présenté de ce côté. Est-il besoin d’ajouter qu’après les succès obtenus sur le Rhin, cette armée fut rappelée pour aller grossir le torrent de l’invasion? Toute crainte d’une diversion venant du côté du nord avait disparu, et il ne restait plus qu’à s’occuper de la défense du littoral.

Quel est aujourd’hui l’état défensif de ce littoral? Sur la Baltique, de Memel à Hadersleben, la côte allemande présente un développement