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trouva la nièce Roberte charmante, et la tante, Mme Henriette Prémontré, très distinguée. Riche, veuve de bonne heure, Mme Prémontré était encore belle à quarante-cinq ans ; mais on devinait au premier coup d’œil qu’elle avait dû être éprouvée par une dure souffrance. Un peu grande, elle plaisait par l’expression de ses yeux clairs et tristes qui regardaient bien en face. Le visage était à la fois pâle et animé : les cheveux, encore noirs, et à peine mêlés de quelques fils d’argent, couvraient un front large, marqué de deux ou trois rides profondes. D’un caractère égal, bonne, intelligente, Henriette recevait peu de monde. Très instruite, musicienne excellente, elle s’était chargée de l’éducation de sa nièce. En même temps elle lui donna une partie de ses goûts. Roberte ignorait ce que c’était qu’un bal, et préférait la compagnie de Mme Prémontré à celle des jeunes filles de son âge. Ainsi une tendresse sincère unissait ces deux femmes, et la nièce considérait sa tante à la fois comme une mère et comme une sœur aînée.

Les personnes admises dans l’intimité d’Henriette ne tarissaient pas en éloges sur son compte. Elle se livrait peu, restait silencieuse souvent, et il fallait qu’elle fût liée depuis longtemps avec quelqu’un pour causer à cœur ouvert. On était surpris alors de voir cette femme, d’aspect froid, s’animer soudainement, et en arriver à une sorte d’exaltation contenue.

Quand M. du Halloy lui eut présenté Loïc, elle dit à sa nièce : — Tu connais mes idées sur le mariage. M. de Bramafam te convient-il ? Oui… cela suffit.

Aussi jamais union ne fut-elle décidée plus rapidement ; un mois après la présentation, Paris apprit que le 2 septembre le marquis de Bramafam épouserait Mlle Roberte Marestreux dans l’église Sainte-Clotilde.

Nous savons qu’on ne se fit guère prier pour y venir en foule : il y avait Là quelques amis et beaucoup de curieux, c’est-à-dire beaucoup d’indifférens. Cette curiosité se comprenait : les femmes voulaient étudier celle qui les faisait abandonner, sinon oublier ; les hommes, pour lesquels Loïc était un type d’élégance, désiraient savoir si leur modèle avait bien choisi. Ce fut un grand désappointement ; Roberte Marestreux n’était ni laide ni jolie. De taille moyenne, un peu pâle de visage, elle n’avait de réellement remarquable que des yeux très-grands, légèrement à fleur de tête et d’une nuance sombre. La bouche, un peu forte, laissait voir des dents très blanches : les cheveux blond cendré étaient magnifiques ; mais en somme on ne trouvait rien en elle de ce qui fait les reines de la mode. Plus d’un avait dû passer à côté de cette jeune fille sans détourner la tête. Qu’il faut de temps souvent pour comprendre l’éloquence d’un regard ou le charme d’un sourire !