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— Vite ! vite ! marquis, s’écria Norine quand elle entendit les trompes, ou nous serons en retard.

— Le sentier est trop étroit, madame, nous ne pourrons jamais y marcher côte à côte ; passez devant.

Mme Chandor donna un coup de cravache à son cheval, qui s’élança, suivi de près par celui de Loïc. Ils entrèrent au bout de dix minutes de galop dans une large clairière où aboutissaient plusieurs routes.

— Eh ! nous n’entendons plus rien ! dit Norine en arrêtant court son cheval.

— C’est vrai.

Elle se mit à rire :

— Vous me répondez : « C’est vrai, » et vous n’avez pas même cherché à entendre.

— J’aime mieux vous regarder.

— Vraiment ?

— Oui, vous êtes charmante ainsi, avec votre visage animé par la course. D’honneur, Walter Scott aurait fait une autre Diana Ver- non, s’il vous avait vue dans ce cadre roux de feuilles mortes !

Norine s’était dégantée : son mouchoir tomba sur la mousse. Aussitôt Loïc sauta à bas de son cheval, ramassa le mouchoir et le tendit à Mme Chandor.

— Voulez-vous descendre aussi et vous reposer un moment ? lui demanda-t-il.

— Volontiers. Il y a deux heures et demie que je galope : nous sommes au moins à une lieue de la chasse, et avant de fournir une nouvelle traite…

Elle se laissa glisser entre les bras du jeune homme, qui la déposa doucement à terre. Il la regardait toujours ; cela la fit rire encore.

— Vous êtes gaie, ce matin ! dit-il.

— Savez-vous à quoi je pensais, marquis ? reprit Norine en jetant la traîne de son amazone sur son bras.

— Non, en vérité.

— Je songeais que pendant six ans vous m’avez rencontrée dans le monde, vous êtes venu souvent chez moi, et vous ne vous mettez à me faire la cour… que lorsque vous êtes marié !

Loïc rougit.

— Votre femme est charmante, continua Norine en s’asseyant sur l’herbe : pourquoi donc êtes-vous si peu empressé avec elle ? Savez-vous qu’on pourrait croire…

— J’ignore ce qu’on pourrait croire, madame, répliqua Loïc un peu piqué ; Mme de Bramafam est la compagne que j’ai souhaitée,