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inconnues jusque-là, elle n’a pas laissé la défense désarmée. Elle lui a donné dans la défense mobile un organe nouveau et puissant, une arme dont la pointe, toujours tournée vers l’ennemi, se présentera à sa rencontre partout où il dirigera ses coups. La défense mobile supplée sur beaucoup de points à ce qu’on peut appeler par opposition la défense fixe. Elle permet de relâcher et d’étendre les mailles du réseau en concentrant sur les points importans les ouvrages défensifs, au lieu de les éparpiller partout : elle permet en un mot de substituer la concentration à l’éparpillement.

L’action de la défense mobile est double, elle s’exerce sur terre et sur mer. Sur terre, il faut la concevoir concentrée en divers points que l’on a appelés les nœuds stratégiques du réseau des voies ferrées, et disposée de manière à converger rapidement vers le point du littoral menacé par l’ennemi. C’est ainsi qu’en 1870 le général von Falkenstein avait disposé son armée. Le plan de défense, en cas de guerre, aurait donc à prévoir la formation d’une armée du littoral, en arrêtant d’avance les positions qu’elle devrait occuper en vue d’une concentration rapide. Mais cette prévision demeure subordonnée dans ses effets au résultat des premières opérations de la guerre sur mer. Quels que soient les belligérans, Allemagne ou Angleterre, Italie, France ou Russie, tous auront une escadre, — n’en ont-ils pas déjà? — et tous voudront disputer la mer dans ces bassins des mers d’Europe où l’on a placé le futur théâtre des luttes maritimes. C’est donc par des combats d’escadre que s’ouvriront les opérations, et le vainqueur, maître de la mer, n’ayant plus d’attaque sérieuse à craindre de ce côté, pourra donner à l’armée du littoral une autre destination.

Sur mer, la défense mobile est également subordonnée dans son action, dans le mode et l’étendue de cette action, au résultat des premières opérations. Selon ce résultat, elle peut être appelée à passer d’un rôle défensif à un rôle offensif. Aussi, et pour répondre à cette dernière éventualité, se compose-t-elle de deux élémens distincts, de deux espèces de navires, différens par leurs aptitudes, différens aussi par le rôle qui dérive de ces aptitudes. Les uns, comme les chaloupes canonnières, affût flottant d’un puissant canon, sont destinés uniquement à la défense locale; les autres, propres à opérer dans les bassins des mers d’Europe, ainsi que sur les côtes, comme les navires gardes-côtes cuirassés et les navires-torpilles, prendront une part active aux mouvemens et aux opérations des escadres. Mais, si l’on est réduit à la défensive, ils concourent les uns et les autres à la défense de la frontière maritime.

À ce matériel flottant de la défense mobile il faut ajouter des croiseurs rapides, éclaireurs de la côte, dont le rôle est tracé par la définition même qu’on vient de leur attribuer : protéger la côte