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une opération trop délicate, trop chanceuse, en présence des concentrations rapides que les chemins de fer feront affluer au point menacé. Maître de la mer, et s’il a su développer dans ce sens ses moyens d’action, l’ennemi ira droit au Havre ou à Marseille, à Nantes ou à Bordeaux; il y pénétrera, et, tenant toute la ville sous la menace de sa redoutable artillerie, ou prenant à revers les défenses de terre, il y prendra pied et s’en emparera. Sébastopol, quoique place de guerre et arsenal maritime, n’a échappé à cette extrémité qu’en sacrifiant sa flotte pour boucher l’entrée de son port, et pourtant, avec les quelques vaisseaux à vapeur en bois dont elle disposait alors, l’attaque était loin de posséder la puissance dont elle dispose aujourd’hui.

Les îles, les presqu’îles, réclament aussi toute l’attention de la défense, ces dernières surtout. N’a-t-on pas vu ce qu’a été pour l’armée alliée l’occupation de la presqu’île de Chersonèse et quelle influence décisive cette occupation a exercée sur le résultat de la guerre? L’occupation par l’ennemi de la presqu’île du Cotentin créerait un immense danger, que l’on préviendra en faisant de Cherbourg, du côté de terre comme du côté de mer, le boulevard de cette presqu’île.

Dans cet ordre d’idées, on aurait donc à concentrer sur ces positions capitales, sur ces points en quelque sorte vitaux, toutes les ressources de la défense, en abandonnant les positions secondaires, comme Boulogne, Tréport, Dieppe, etc., comme aussi ce réseau de forts et de batteries destinés à protéger des points d’un accès facile, ou bien à offrir des abris au cabotage et à lui préparer une ligne continue de défense et d’escorte. Toutes ces positions secondaires, sauf bien entendu les exceptions que l’étude des lieux ne manquera pas de révéler, devront leur protection la plus efficace à la défense mobile et aux moyens de concentration rapide qu’elle saura mettre en œuvre, et telle plage, telle baie propre à un débarquement, sera mieux protégée par un embranchement de chemin de fer que par des batteries.

Tel est, considéré d’un point de vue général, le système de défense des côtes qui a prévalu partout; c’est le système de la concentration substitué à celui de l’éparpillement. On peut étendre plus ou moins les mailles du réseau, les élargir plus ou moins, mais il faut les élargir.

Pour les colonies, le principe est le même : concentrer la défense, une défense sérieuse, sur un petit nombre de points : ainsi Dakar sur l’Atlantique, Fort-de-France (Martinique), sur la mer des Antilles, Saigon dans la mer de Chine, Nouméa et Tahiti sur le Pacifique, Quant aux autres, les garnisons qu’on y entretient ne pourraient, en temps de guerre, qu’être compromises et perdues pour