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la défense générale. On devrait se hâter de les retirer, en laissant ces colonies à la garde des milices locales et de la gendarmerie : c’est assez pour repousser les insultes d’un croiseur isolé. C’est donc là une éventualité, ou plutôt un avenir qu’il faut dès aujourd’hui prévoir et envisager résolument en s’y préparant. Et pour s’y préparer, il n’y a qu’un moyen : (réorganiser les milices, qui sont désorganisées ou n’existent plus. Il faut les réorganiser sur des bases nouvelles appropriées à l’état, social des colonies. La tâche n’est pas facile; elle exigera une volonté persévérante et le concours des habitans, mais elle n’est pas au-dessus de leur patriotisme. Ils y trouveront la compensation du service militaire, auquel leur éloignement de la mère-patrie ne leur permet pas de prendre part.

Le but serait de créer sur les océans une ceinture de positions fortifiées pour le ravitaillement des escadres et des croiseurs., Cette ceinture est aujourd’hui bien incomplète, elle présente bien des lacunes. C’est que depuis près d’un siècle notre pays a été trop absorbé par les soucis de sa vie intérieure pour donner aux intérêts du dehors une attention suivie. Ces intérêts veulent l’esprit de suite et les longs desseins, et les gouvernemens qui avaient conçu ces desseins n’ont pas assez duré pour les réaliser. Qu’on le sache bien, on ne conserve pendant la guerre les colonies que La paix a fondées qu’à la condition d’être maître de la mer. Et, s’il ne nous reste de notre empire colonial que des débris, si nous avons perdu Terre-Neuve, le Cap-Breton et le Canada, l’île de France et tant d’autres colonies, la faute en est bien moins à notre prétendue inaptitude à coloniser qu’à l’impuissance de notre marine et au malheur des temps qui avait causé cette impuissance.

Notre étude ne serait pas complète si, en recherchant les conditions actuelles d’une organisation défensive de la frontière maritime, on s’abstenait d’examiner quelle part d’attributions revient aux départemens militaires, la guerre et la marine, et quel contingent chacun d’eux devra fournir au personnel de la défense.

En ce qui concerne la défense mobile, il n’y a pas deux solutions. Le partage se fait de lui-même : à l’armée la défense mobile sur terre, à la marine la défense mobile sur mer., Comment pourrait-il en être autrement? Mais la défense que l’on a appelée fixe par opposition à la défense mobile, la garde du littoral, de tous ces points ou positions fortifiées contre les atteintes de l’ennemi, ports militaires et de commerce, ports de refuge, embouchures de rivières, îles et rades extérieures, est-ce à la marine, est-ce à la guerre qu’il faut l’attribuer?

Entre les deux services de terre et de mer le partage théorique des attributions est simple et net. Il résulte des aptitudes en quelque