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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/46

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sorte naturelles de chacun d’eux : à l’armée, la guerre sur terre et toutes les opérations, toutes les attributions qu’elle comporte; à la marine, la guerre sur mer. A la première, comme conséquence de cette définition, la défense sur terre de la frontière maritime; à la seconde, la défense sur mer. Tel est le principe qui, jusque dans ces dernières années, a présidé au partage. Il y préside encore en Angleterre, et l’application en est plus nette et plus tranchée que chez nous. Les ouvrages défensifs y sont exclusivement confiés à la guerre : enceinte des arsenaux, forts en mer de Spithead et de Plymouth, tous relèvent uniquement du war office. La guerre les construit, fabrique les canons et fournit les garnisons; c’est le principe de l’unité de commandement avec toutes ses conséquences. Nous n’entendons pas le discuter ici, bien qu’il ne nous paraisse pas sans inconvénient d’introduire ainsi dans le domaine de l’arsenal maritime une autorité étrangère à la marine.

En France, et par une sorte de concession, il était admis que, dans les ports militaires, certaines parties des ouvrages défensifs, — ce que l’on appelle les fronts de mer, — seraient réservées à la marine. C’était déjà reconnaître que le service de l’artillerie de côte a d’autres exigences que celui de l’artillerie de campagne. Cette concession s’est étendue récemment, et la défense des ports militaires appartient aujourd’hui à la marine; elle lui appartient tout entière, dans tout son périmètre, le reste du littoral demeurant dans les attributions de la guerre. Nous allons essayer de dégager les conséquences de ce partage.

Depuis trente ans, l’attaque des côtes s’est transformée, navires et canons sont bien loin de ce qu’ils étaient alors. La défense, de son côté, a transformé ses moyens d’action. Il lui faut aujourd’hui un outillage savant et compliqué, des torpilles, une artillerie très puissante. Ce n’est plus avec les canonniers gardes-côtes de l’an XII, non plus qu’avec les canonniers-vétérans de 1831, que l’on pourvoira à la mise en œuvre de cet outillage. Ce n’est pas dans une organisation pareille qu’on trouvera le personnel qu’exige aujourd’hui la défense des côtes. Il faut un personnel d’élite, un corps spécial, fort de ses traditions, c’est-à-dire de son savoir et de son expérience, résultat accumulé des études, des réflexions, du travail en un mot d’officiers intelligens et instruits.

Le corps de la marine comprend des spécialités diverses, des officiers et des matelots-canonniers, des officiers et des matelots-fusiliers, d’autres encore. C’est néanmoins un seul et même corps, ayant même boulon, même origine, même esprit. Son unité ne souffre en aucune façon de ce partage en spécialités diverses répondant à la diversité de ses attributions, de ses devoirs. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour le corps de l’artillerie? Pourquoi