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devenue cosmopolite et encyclopédique. Une exposition universelle se prépare : notre honneur national exige que nous y paraissions dans tout l’éclat de notre intelligence. Ne serait-il pas à propos d’y présenter dans des rapports analytiques le tableau des progrès accomplis chez nous depuis la guerre, dans toutes les branches des connaissances humaines, et de montrer par là que le sang que nous avons perdu ne nous a pas affaiblis? L’histoire et ses annexes auraient de belles pages. Nous serions nous-mêmes étonnés de notre activité, de nos richesses tout récemment acquises, et nous pourrions dire aux Bructères, aux Tinctères, aux Chamaves et autres tribus germaines qui refusent de prendre part aux luttes de la paix : « Vous nous avez vaincus en nous surprenant, comme les légions de Varus, presque désarmés; mais notre sève n’est point tarie. Elle circule plus vivifiante que jamais, et dans ces belles études dont vous êtes si fiers, dont vous vous attribuez le monopole, nous sommes vos aînés dans le passé, vos rivaux dans le présent, quand nous ne sommes pas vos maîtres. Nous ne cherchons pas à rabaisser vos illustrations ; vous en avez d’assez grandes pour que nous nous inclinions devant elles ; nous réclamons pour les nôtres le rang qui leur est dû et que vous vous obstinez à leur refuser.

Nous sommes vos aînés dans le passé, car avant vos docteurs en droit romain nous avions Cujas ; avant vos archéologues, vos philologues, vos numismates grecs et romains, nous avions les membres de notre ancienne Académie des Inscriptions et leurs Mémoires où vous avez tant de fois appliqué le précepte classique :

Nocturna versate manu, versate diurna.

Vos lexicographes ont fabriqué plus de dictionnaires et de grammaires que tout le reste de l’Europe; mais vous en étiez encore au rudiment lorsque Henri Estienne publiait le Thésaurus, Du Gange ses deux glossaires, et aujourd’hui même vous n’avez rien produit pour la langue allemande qui égale ce que M. Littré a fait pour notre langue. Vous êtes d’habiles éditeurs de textes; les Monumenta germaniœ historica font grand honneur à M. Pertz; mais les plus anciens volumes datent de quarante ans à peine, et, dans ce genre de publications, Duchesne, Labbe, Simond, Baluze, d’Achery, dom Bouquet, vous avaient depuis longtemps devancés. On dit même que la renommée de cette belle collection, aujourd’hui dirigée par M. Waitz, a été gravement compromise par l’un des derniers volumes. Il s’y trouvait, paraît-il, de si étonnantes distractions, une si grande variété de bévues dans tous les genres et tous les goûts, que vous avez jugé prudent de venir poursuivre et rattraper dans nos bibliothèques le malencontreux volume que vous aviez laissé échapper de vos savantes officines. Chez nous, deux pages d’errata