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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/480

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REVUE DES DEUX MONDES.

toujours l’air de payer rançon à des influences personnelles ou à des exigences de parti.

Est-ce que tous les esprits sensés qui veulent vraiment servir le régime nouveau ne sont pas les premiers intéressés à créer ces conditions pratiques d’action parlementaire et de gouvernement ? Est-ce qu’ils ne voient pas qu’ils ont à se défendre de toute sorte de pièges où les opinions extrêmes les entraîneraient fatalement? Que les bonapartistes se plaisent à compliquer une situation déjà difficile en votant au besoin avec les radicaux contre une majorité modérée ; qu’ils saisissent tous les prétextes de raviver des luttes passionnées par des motions et des interpellations provocantes ; que, dans la pensée d’intéresser la magistrature à leur cause, ils demandent compte au garde des sceaux de la révocation d’un avocat-général qui s’est montré récemment trop enclin à absoudre les commissions mixtes de 1852; que les bonapartistes fassent tout cela, ils sont plus ou moins habiles, ils ne sont pas toujours heureux. Ils restent après tout dans leur rôle, ils ajoutent ou ils croient ajouter aux difficultés; ils atteignent leur but en entretenant l’incertitude, en perpétuant les confusions. La république, quant à elle, ne gagne rien à ces scènes, où toutes les passions se font jour et où souvent tout est remis en question, sans qu’un vote favorable répare complètement le mal d’un trouble momentané. La chambre des députés ne peut certainement mieux faire que de se refuser aux provocations, d’écarter le plus possible les interpellations irritantes des partis, de chercher le calme dans les affaires, et, s’il y a une vraie majorité pour entrer dans cette voie, elle a aujourd’hui une bonne occasion : M. le ministre des finances vient de présenter le budget de 1878,

Voilà du travail pour les fortes têtes de la chambre ! M. Léon Say a commis sans doute une inadvertance : il ne paraît pas s’être inspiré le moins du monde des études et des projets de M. Gambetta sur la taxe du revenu; il n’a pas l’ambitieuse pensée de transformer le système financier de la France. Il se conduit comme un homme :prudent qui, ayant à mettre en ligne ces deux redoutables chiffres de 2 milliards 785 millions de dépenses et 2 milliards 791 millions de recettes, juge inutile de se lancer dans les expériences présomptueuses et d’aller au-devant de déceptions inévitables. M. le ministre des finances, sans toucher à l’économie générale du budget, a néanmoins, lui aussi, ses projets de réformes. Il propose une diminution de la taxe postale, de l’impôt sur les transports de petite vitesse, de divers autres impôts, et il arrive ainsi à un chiffre modestement respectable de réductions, qui sont plus faciles à réaliser parce qu’elles sont plus pratiques que des projets plus grandioses. Cette fois du moins on ne dira pas que le budget a été présenté tardivement. La commission qui va être prochainement nommée pourra se mettre à l’œuvre sans plus de retard. Tout ce qu’on peut lui demander, c’est de ne pas trop prolonger ses études, de ne pas faire de la