Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/659

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

complète, comme pour le Rhône, par un canal latéral, ou encore celle de la Charente et de la Sèvre niortaise, enfin celle des canaux de la Manche et de la Mer du Nord, qui se soudent à tout le réseau belge et à la navigation de l’Escaut. M. Krantz n’a rien négligé, ni une vue d’ensemble ni un point de détail, et le plus petit embranchement navigable trouve place dans son intéressant mémoire. Il dit ce qu’est notre canalisation actuelle et ce qu’elle doit être, il l’indique avec l’expérience de l’homme de l’art et par instans avec l’émotion patriotique du citoyen, qui veut que l’on fournisse à son pays tous les moyens possibles de se relever par le travail, par les transports à bon marché et les labeurs féconds du commerce. À ce point de vue, la lecture de ces volumineux rapports, tout pleins de chiffres, sinon de formules, est au plus haut degré saisissante. C’est une de ces études fortes et saines comme il y en a eu quelques-unes après l’invasion allemande, et elle mérite d’attirer l’attention de chacun. La conclusion inévitable, on la connaît : si nous voulons développer notre trafic intérieur et extérieur, donner à nos navires de long cours une partie du fret de sortie qui leur manque, lutter victorieusement contre les marchés voisins, développons nos voies navigables intérieures. Les chemins de fer ne seront pas atteints par cette concurrence prévue, dont ils se sont un moment épouvantés outre mesure, qu’ils ont même essayé de réduire à néant sur certains points du territoire par l’achat des canaux existans, par exemple le canal du Midi. N’avons-nous pas démontré au contraire que les chemins de fer profiteraient eux-mêmes, d’une manière détournée, du mouvement de ces voies navigables? En ces sortes de choses, il y a toujours, comme l’a fait si bien remarquer Bastiat, ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. On ne saisit pas la portée de ce qu’on voit, et c’est ce qu’on ne voit pas qui est la vérité, l’utilité, l’avantage de chacun et de tous.

Quelques-uns, convaincus que les chemins de fer étaient désormais le moyen de transport par excellence, ont condamné irrévocablement les canaux, comme ils avaient condamné naguère les diligences; mais le cas n’est point le même. Les diligences ne pouvaient lutter avec les chemins de fer, qui transportent plus vite et à meilleur marché les denrées et les voyageurs, tandis que les canaux n’entendent transporter que certaines matières, qui leur sont, pour ainsi dire, acquises, et à un prix inférieur à celui des voies ferrées. Les ennemis des voies navigables n’ont donc jamais entendu les plaintes de l’agriculture, de la grande industrie, qui ne cessent de demander qu’on améliore partout nos rivières et nos canaux, et qu’on y abaisse, ou mieux qu’on y supprime les droits de navigation, ces péages que ne connaissent ni les routes de terre ni les