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railways? Et si l’on craignait que le fret vînt à manquer à ces voies antiques, qu’on se rassure. Le bois de chauffage et de charpente, le charbon de bois, la houille, la fonte et le fer, les machines et les métaux ouvrés, les engrais et les amendemens végétaux ou minéraux, les pierres et les matériaux de construction de toute espèce, toutes ces matières, qui ont beaucoup de poids et de volume et qui presque toutes valent relativement peu, sont les clientes naturelles des canaux. L’acheteur ne les attend pas à jour et à heure fixes; il est de son intérêt de leur faire prendre la voie d’eau, qui peut les transporter à moitié prix de ce qu’exige la voie ferrée. Nous n’avons pas parlé de la plupart des produits agricoles : le vin, l’huile, les céréales, la betterave, les fourrages, qui, ayant à choisir entre deux moyens de transport, l’un plus régulier, plus rapide et plus cher, l’autre, sujet à quelques chômages, plus lent et plus économique, préféreront toujours le second, sauf les cas de convenances particulières.

De tout temps les enquêtes qu’a provoquées l’administration, les réclamations et les doléances persistantes de nos agriculteurs et de nos industriels, ont éclairé l’état sur ce qu’il avait à faire en matière de canaux. Le moment est donc venu de ranimer de toute façon nos voies navigables intérieures, et alors non-seulement les industries indigènes seront satisfaites et plus aptes à lutter avec la concurrence étrangère, mais aussi, dans nos ports de mer, au lieu de voir beaucoup de nos navires partir sur lest faute d’un fret suffisant de sortie, nous leur verrons charger et nos houilles de Saint-Étienne ou d’Alais, et nos plâtres de Paris, et nos fontes et nos fers du Creusot, nos pierres de taille, nos tuiles et nos briques de Bourgogne, nos chaux du Theil, nos cimens de Vassy ou de Grenoble, puis nos bois des Vosges ou des Landes, nos ardoises d’Angers ou des Ardennes, nos marbres de couleur des Pyrénées, nos phosphorites ou engrais calcaires du Midi, enfin, en plus grande quantité encore, nos vins, nos blés et tant d’autres produits.

N’oublions pas que l’amélioration de nos rivières et de nos canaux est indispensable au progrès de l’agriculture aussi bien qu’au développement de la pisciculture et à la mise en valeur des forêts, qu’en outre les cours d’eau sont susceptibles d’effets dynamiques et que des milliers de chevaux de force vive sont disponibles au seuil d’un barrage, d’une digue, d’une levée. Il faut que l’on utilise tout cela et que l’on se rappelle sans cesse que les villes doivent aux eaux souvent leur origine et toujours une partie de leur développement : aquœ condunt urbes. Répétons-le : où la nature est restée insuffisante, l’homme doit compléter l’œuvre de la nature. C’est là une des plus belles fonctions de l’humanité, et, dans le